Comment convaincre son homme de faire un bébé : la contre-attaque (en quinze bonnes raisons)

Prince est un homme efficace. Dans son document NobabyList.xls, point de fioritures : il va droit au but.

No-baby List

  1. Pouvoir dormir la nuit
  2. Pouvoir dormir le jour
  3. Etre réveillé par une douce étreinte plutôt que par des hurlements de nourrisson / un bambin ébouriffé qui vous tire par la manche en glapissant « Papa, Papa, réveille-toi, il est 6 heures, j’ai faim ! » / un ado boudeur qui vous tire du demi-sommeil dans lequel vous aviez sombré vers une heure du matin, las de l’attendre rentrer sain et sauf de sa soirée
  4. Se tenir prêt à sortir de la maison en moins de 40 minutes (mais où sont les couches / le manteau / le biberon / le lange / le doudou ?)
  5. Ne pas refuser systématiquement les invitations au resto, théatre ou ciné sous prétexte que « en ajoutant le prix de la babysitter, ça fait vraiment trop cher la soirée »,  se coupant ainsi rapidement de tous ses amis
  6. Ne pas avoir à mettre les mains dans le cambouis (pour rester  poétique) 8 à 10 fois par jour, pendant deux à trois ans, à multiplier par le nombre d’enfants. En plus, c’est mauvais pour l’environnement, toutes ces couches
  7. Il paraît que les parents sont moins heureux que les couples sans enfants (peut-être les premiers étaient-ils trop fatigués pour comprendre la question en répondant au sondage ?)
  8. Ne pas s’entendre brandir des menaces de divorce à 3h18 du matin sur le thème « Si tu ne te lèves pas pour aller t’occuper du bébé, j’en ai marre, tu n’en fous pas une, de toute manière tu es complètement désinvesti comme père »
  9. Pouvoir se concentrer sur le journal, le match de foot ou un bouquin sans être interrompu toutes les 18 secondes parce que le bébé a faim / s’ennuie / est encore tombé sur un objet coupant
  10. Conserver assez d’énergie pour répondre autre chose que « bien » à la question « Comment s’est passée ta journée ? »
  11. Faire preuve de plus d’ambition, pour ses soirées en amoureux, que de s’affaler devant un DVD… devant lequel on s’assoupira au bout de vingt minutes
  12. Cantonner la liste des pommes de discorde aux chaussettes qui traînent, la belle-mère et sans y ajouter les principes éducatifs, la nécessité de nourrir ses enfants en bio bien qu’il coûte deux à trois fois plus cher et à qui c’est le tour de changer le bébé. N’est-il pas déjà bien assez difficile de s’entendre à deux ?
  13. D’ailleurs, comme le disent les Anglais : « three’s a crowd » (à trois, il y en a toujours un de trop)
  14. Dormir. Ah, je l’ai déjà dit ? Pas grave, c’est parce que c’est essentiel à ma survie. Tu sais, je suis trader, moi, c’est important que je sois en forme pour aller bosser (Alors que moi, je garde les moutons chez SuperConseil, c’est ça ?)
  15. Bref, profiter de la vie.

Pour une fois que Prince exprime aussi clairement et fermement son opinion, mal m’en prendrait de ne lui prêter une oreille attentive. Néanmoins, je n’ai qu’un seul véritable argument à opposer à cet amoncellement de clichés tendance macho : pour moi, aujourd’hui, profiter de la vie, c’est en créer une nouvelle. A deux.

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Comment convaincre son homme de faire un bébé : l’attaque (ou cinq fausses bonnes raisons)

Devant cette nouvelle fin de non-recevoir de Prince au sujet de sa future progéniture, Eva in London alias Bulldozer ne voit qu’une solution : le plan d’action sous Excel. A moi, la liste des dix raisons de faire un bébé. Pourquoi dix ? Ca fait bien, un point, c’est tout.

Une heure d’intense concentration plus tard, j’ai révisé mes exigences à la baisse sur le fond (cinq raisons pas très convaincantes, ça fera l’affaire) mais à la hausse sur la forme : comme aimait à le rappeler ma prof de français de première qui se désolait devant mes copies illisibles et striées de correcteur, celle-ci compte autant que le fond. Mon document Liste Princebébé.xls est un petit bijou esthétique. Mais je m’égare : j’ai une bataille à mener. A l’attaque.

Je m’approche de Prince avec un sourire à la fois conciliant et assertif (si, si, c’est possible) et déclare tout de go :
– Alors, mon chéri d’amour, je sais que tu aimes bien t’appuyer sur les faits pour décider, en conséquence de quoi j’ai dressé une liste…
– … des raisons de rester à Londres ? lance Prince, plein d’espoir.
– Euh, non, pas tout à fait, répliqué-je, momentanément décontenancée.
Je prépare bien une « liste des raisons de rentrer à Paris et ne jamais, jamais remettre les pieds à Londres », mais ce sera pour une autre fois. Rien ne sert de se battre sur tous les fronts. D’ailleurs, au besoin, je suis prête à échanger un bébé-là-tout-de-suite-maintenant contre deux ans de plus à Londres. Mais je garde cet atout dans ma poche pour le cas où les négociations piétineraient réellement. On n’en est pas là. Je reprends donc, guillerette :
– Non, mieux que ça. La liste des dix cinq raisons de faire un bébé.

Prince lève imperceptiblement les yeux au ciel. Eh oui, c’est encore de lui enlever sa liberté lui donner une descendance que je souhaite discuter. Il jette un coup d’œil discret à gauche, puis à droite ; non, décidément, pas moyen de fuir le conflit cette discussion. Il soupire :
– Très bien, montre-la moi.

Cinq fausses bonnes raisons d’avoir un bébé là-tout-de-suite-maintenant

1. L’argument existentiello-consommateur : un enfant, c’est le bonheur à l’état pur (faux). Donner la vie ! Mettre un enfant au monde ! Le voir s’éveiller ! Que rêver de mieux que former une belle famille Ricoré avec petit déjeuner dégoulinant de Nutella, de bonheur et tout le tointoin ? Comment ça, difficile de rejouer la Mélodie du Bonheur quand les marmots hurlent à longueur de journée parce que leurs parents épuisés n’arrêtent pas de les houspiller ? Mais si, tu verras, ce sera merveilleux.

2. L’argument romantique : un enfant, n’est-ce pas le plus beau des projets qu’un couple puisse mener ? Euh oui, le plus fatigant aussi. Mais, mon amour, je suis sûre qu’on arrivera à gérer la fatigue (faux) tout en restant soudés (faux, faux) et respectueux l’un de l’autre (faux, faux, faux).

3. L’argument gourmand : pendant neuf mois, c’est « permis de manger » (faux). C’est le seul moment de la vie d’une femme où elle peut se permettre d’avaler tout ce qu’elle veut sans prendre un gramme (faux) ni culpabiliser (faux, surtout si le gynéco est un homme) parce qu’après tout, il faut bien que le bébé ait sa ration de chocolat Lindt vitamines et nutriments. Comment ça, ça ne te fait pas rêver de voir ta dulcinée s’empiffrer ?

4. L’argument pro-mondialisation : quelle chance de pouvoir élever des enfants bilingues français-hongrois (faux) ! Ah, c’est vrai qu’on habite à Londres (le pauvre, il croit qu’on croupira encore ici avec des enfants en âge de parler. Ne détrompons point ce bienheureux). Bon, ben, trilingue alors : français-hongrois-anglais. Oui, je sais qu’il y a huit fois plus de demandes que de places au Lycée Français de Londres, que les jeunes filles au pair hongroises ça ne court pas les rues, et que ma mère voudra leur parler polonais. Un problème à la fois, ok ?

5. L’argument utilitaire-tendance-absurde : Plus on s’y met tôt, plus on aura fini tôt (vrai mais moyennement convaincant). Comme ça, on pourra profiter de notre retraite. Pour quoi faire ? Ben, je sais pas exactement, parce qu’il n’y aura plus d’argent pour nous en payer une, de retraite… des weekends en amoureux, par exemple. Euh, oui, comme maintenant. Sauf qu’on sera vieux, fatigués, et qu’on aura mal partout à cause de nos rhumatismes / notre arthrite / nos douleurs d’estomac. Mais on aura de merveilleux enfants pour s’occuper de nous… s’ils nous daignent encore nous adresser la parole) !

Comme vous le voyez, j’aurais été bien en peine de poursuivre ma liste qui, je le lis dans le regard apitoyé que Prince me lance, pèche tant par sa brièveté que son manque de substance. Néanmoins, il ne pipe mot, me dévisage longuement, et s’éclipse.

Prochain épisode : la contre-attaque, ou la liste des raisons de ne pas avoir d’enfants, par Prince. Et lui, il en a trouvé quinze, et elles sont toutes valables, na.

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Le pire voyage de noces de l’histoire de l’humanité (4/4) : home sweet home !

Jour 17

Enième voyage en avion – ou plutôt, dans un coucou aux huit sièges plus ou moins branlants. Je me cramponne à Prince en essayant de penser à autre chose – pas à mon mascara, j’ai fait une croix dessus, mais par exemple au sympathique dessin animé que nous avons regardé hier soir à l’hôtel (oui, nous passons de folles soirées). Je ne comprends pas trop l’espagnol, mais à en juger par les images relativement explicites, ça racontait l’histoire du gentil Chavez qui défend le Venezuela et son pétrole bon marché contre le méchant George Bush. Quelle belle histoire.

Jour 18

Les Caraïbes, c’est magnifique. Il fait beau. Et chaud. Et humide. Prince, rouge, trempé de sueur et le regard perdu, se tortille sur son coin de serviette. Il soupire, semble hésiter, et finit par me lancer :

– Tu crois qu’on devrait changer nos billets et rentrer plus tôt ?
– A Londres ? Où il pleut ? Où il fait froid ? Où on n’a pas non plus nos valises ?
– Euh, oui…
– Avec grand plaisir !

Trente minutes de marche plus tard, et 10 dollars en moins (connexion Internet par satellite oblige), Air France est formel : nous sommes condamnés à demeurer sur notre île paradisiaque deux jours de plus.

Jour 18-19

Prince et moi restons enfermés dans notre chambre à lire « Les piliers de la terre » en signe de protestation.

Jour 20

Enfin à l’aéroport. Je veille à me tenir à distance des toilettes (voir le billet précédent). Mais nous ne sommes pas au bout de nos peines : à l’enregistrement, l’hôtesse nous informe que le Venezuela n’en a pas fini avec nous. Nous sommes redevables d’une coquette somme poétiquement nommée « exit tax ». Oui, oui, un impôt pour QUITTER le pays. Payable en liquide uniquement. Et le seul distributeur de billets de l’aéroport est en panne.

Comment donc font les autres touristes ? Comme dans le film, sont-ils condamnés à croupir pour toujours à l’aéroport de Caracas ? Se reconvertissent-ils dans la prostitution et le trafic de drogue ? Est-ce eux qui hantent les toilettes de l’aéroport ? L’angoisse m’étreint. Enfin, quelqu’un prend pitié de nous, et nous indique une agence bancaire pourtant apparemment dédiée uniquement aux emprunts immobiliers, à en croire le panneau. A l’intérieur, pas un seul touriste, mais une bonne douzaine de Vénézuéliens qui, pour une raison qui m’échappe, sont venus à l’aéroport (re)négocier leur emprunt immobilier. Nous manquons rater notre vol. Ratons le salon spécial classe Affaires et ses pommes gracieusement offertes. Mais payons notre ultime tribut au Venezuela.

Jour 21

De retour à Londres. Il pleut. Il fait froid. C’est bon d’être à la maison.

La demande en mariage, le mariage, le voyage de noces, c’est (enfin ?!) fini. Au prochain épisode, chers lecteurs, Eva in London vous propose de l’accompagner dans un saut spatio-temporel d’un an et demi… accrochez vos ceintures !

Le pire voyage de noces de l’histoire de l’humanité (3/4) : comment éviter de se faire kidnapper, et autres leçons de vie

Jour 1

Après la crise d’hystérie d’Eva in London légère déception qu’Alitalia n’ait pas jugé bon de transférer nos bagages sur le même vol que nous, Prince et moi tentons de faire bonne figure devant l’agent de voyage venu nous chercher à l’aéroport.

– Bonjour ! Bienvenue au Venezuela ! J’espère que vous avez fait bon voyage ?

Prince s’abstient de se lancer dans une longue diatribe contre la soi-disant classe Affaires d’Alitalia, avec son repas en papier mâché, ses écrans cassés et ses sièges non inclinables. Impassible, il se contente de hocher la tête, tandis que j’admire son self-control. Peut-être qu’à force de vivre en Angleterre, le flegme britannique déteint-il sur lui ? m’interrogé-je.

Pendant que, éperdue d’amour et d’admiration, je contemple mon mari tout neuf, l’agent de voyage poursuit :

– Bon, je ne sais pas si vous avez besoin d’aller aux toilettes…
– Euh…
– … mais je vous déconseille vivement d’utiliser celles de l’aéroport. Elles sont généralement fréquentées par, au mieux (?) des prostituées, et, au pire (?), des dealers.

Silence consterné.

– Non ? Ca va aller ? Alors, je vous propose d’aller directement à la voiture. En revanche, il va falloir se dépêcher de traverser le parking, parce que les touristes s’y font souvent enlever. Tiens, pas plus tard que la semaine dernière, on a même entendu des coups de feu.

Je sens qu’on va se plaire, ici.

Jour 3

C’est merveilleux. A peine 72 heures de voyage de noces au compteur, et je connais déjà mieux mon mari. En vrac :

– Prince ne supporte ni la chaleur, ni l’humidité. C’est dommage que notre séjour se déroule essentiellement dans des lieux chauds et humides.

– Prince a beau être calme, quand Alitalia ne décroche pas au 27ème appel et qu’on paie 1,50$ par appel, il lui arrive de jurer en hongrois. Ca donne quelque chose du genre « Kourva-knoedle-kourva ! ». Très sexy.

– Prince est courageux. Quand un chauffeur de taxi envoyé par l’hôtel s’arrête en pleine route et en pleine nuit, nous laissant seuls et plus que perplexes, Prince ne tremble (presque) pas. Mais affiche tout de même un large sourire soulagé lorsque, au lieu de ramener trois potes baraqués et ayant l’habitude du kidnapping de touristes, notre chauffeur revient tout simplement une canette de Coca à la main.

Jour 8

C’est officiel : Prince et moi sommes de vrais aventuriers.

– On traverse une cascade, une vraie de vraie. Bon, on n’a pas de photos pour le prouver, parce que notre guide a eu beau nous assurer « Bien sûr que vous devriez emporter votre appareil photo, du moment qu’il se trouve dans un sac en plastique, y aura pas de problème ! », ben en fait, si, y a problème, parce que notre appareil photo ne semble pas réussir à se remettre de la douche géante qu’on lui a infligée.

– On voit un serpent, même qu’il est gros et qu’il a l’air très dangereux. Le personnel de l’hôtel ayant l’air du même avis, nous leur laissons le soin de le tuer – prudence est mère de sûreté, ou, comme disent les Anglais, better safe than sorry.

– Prince fait l’aventurier-trader en partant à la recherche, non de l’arche perdue, mais du marché noir le plus avantageux : ici, le dollar se change quasi exclusivement dans l’illégalité. Nous sommes pris d’un délicieux frisson de transgression.

– En allant voir les plus hautes chutes d’eau du monde, Prince glisse sur un rocher – je le vois glisser sur un rocher – j’ai un flash dans lequel je me vois en train de pousser son fauteuil roulant le reste de ma vie – je me précipite vers lui – il n’a qu’une vilaine égratignure –  le soir venu, je me blottis dans le hamac contre mon Indiana Jones à moi (qui trébuche à la moindre goutte de pluie, mais que j’aime quand même).

– Seuls au monde (ou presque, heureusement que le guide est là, parce que sinon on serait seuls au monde mais surtout perdus), nous remontons à la nage une rivière (on est des vrais aventuriers ou pas ?!) et parvenons à un magnifique canyon, éblouissant de verdure, de soleil et d’eau cristalline.

– On n’a pas retrouvé nos bagages, mais finalement, porter les mêmes vêtements trois jours de suite, les laver sommairement (la cascade fait très bien l’affaire), les sécher au soleil tels de vrais Robinsons, et les remettre malgré la distincte odeur d’algue qui s’en dégage, c’est pas si terrible que ça.

Jour 12

C’est officiel : Prince et moi, on n’est pas des aventuriers.
Je veux mes vêtements. Mon mascara. Et une machine à laver.

Jour 15

Je veux rentrer à la maison. Et à défaut, je veux ma valise. Qui, aux dernières nouvelles (toujours facturées 1,50$ l’appel + 1$ la minute), se plaît bien à Rome.

Dans le prochain (et dernier, même qu’il est déjà écrit, si si !) épisode, comment Prince et Eva in London ont failli passer le restant de leurs jours à se prostituer et vendre de la drogue à l’aéroport de Caracas. La City et la blogosphère l’ont échappé belle.

Le pire voyage de noces de l’histoire (2) : comment looser avant même d’être arrivés

J12 du voyage de noces

Si Prince et moi sommes en train de nous traîner sous le soleil des plombs des Caraïbes pour parvenir au seul café Internet de l’île, prêts à payer 10 € la connexion de 10 minutes pour modifier nos billets d’avion et rentrer trois jours plus tôt à Londres, c’est que tout ne s’est pas tout à fait passé comme nous l’espérions.  Sur le moment, je ne comprends pas bien comment on en était arrivés là. Trois ans et demi après, je tiens mon explication : on n’a rien fait comme les gens normaux. La preuve point par point :

J – 200 : le choix de la destination de voyage de noces

– Les gens normaux se demandent où ils ont envie d’aller. Normal.

– Après avoir passé au peigne fin de la critique les 194 pays du monde, nous choisissons notre destination en fonction des disponibilités de billets prime Air France en classe Affaires. Pas normal (et en tout cas pas simple).

Le matin du départ

– Les gens normaux courent dans tous les sens pour boucler les valises, passent à la pharmacie faire des stocks de crème solaire, et arrivent à l’aéroport avec 2 heures d’avance, « parce que ça serait trop dommage de rater le vol quand même ». Normal.

– Prince et Eva in London courent dans tous les sens pour caler un rendez-vous de médecin pour Eva in London qui n’est plus en état de marcher (je vous passe les détails peu ragoûtants), passent à la pharmacie faire des stocks de médicaments disponibles uniquement sur ordonnance, et arrivent à l’aéroport 2 minutes avant la fermeture du vol, « parce qu’il y avait la queue à la pharmacie ». Pas normal (et en tout cas pas malin).

L’escale

– Les gens normaux ont pris soin de choisir un vol direct. Ou, au contraire, ils profitent de leur correspondance pour découvrir ce que le pays a de mieux à leur offrir . A eux, la pause shopping à Dubaï, le massage thaïlandais à Bangkok ou le hamburger-frites-milkshake à Philadelphie.

– Nous avons pris soin de renoncer à Air France – y avait plus de place en classe affaires – pour nous rabattre sur Alitalia – oui oui, la compagnie aérienne au bord de la faillite. Nous en sommes donc quittes pour une escale dans la magnifique ville de Rome. Où nous découvrons ce que le pays a de mieux à nous offrir : à nous, le Colisée le salon réservé aux voyageurs d’affaires et aux guignols en goguette, comme nous. Le « salon » comprend en tout et pour tout une dizaine de tables en formica et une pyramide de pommes d’une fraîcheur douteuse. Et deux carafes d’eau. Même la cantine de mon école primaire était plus accueillante. Pas normal (et en tout cas pas glamour).

La première nuit

– Un peu fatigués mais heureux, les jeunes mariés normaux s’affalent sur le lit de leur magnifique hôtel et batifolent / dorment / regardent la télé balinaise. Normal.

– Très fatigués et pas très heureux car toujours pas arrivés à destination, Eva in London et Prince s’affalent sur le lit de leur hôtel 4 étoiles à Rome. Découvrent qu’il n’y a pas d’eau chaude pour se doucher (« Ah non, il n’y en aura pas avant demain matin, Monsieur, désolé, le plombier dort ») et qu’ils ont oublié leurs affaires de toilette ET le stock de médicaments dans les valises théoriquement déjà en route pour Caracas. Vont se coucher pas lavés et pas soignés. Pas normal (et en tout cas pas plaisant).

Arrivée à l’aéroport

– Les jeunes mariés normaux attendent leurs valises en s’embrassant aussi langoureusement que le leur permet leur destination (un romantisme plutôt bien vu en Italie ; moins bien en Jordanie), les récupèrent sans problème et quittent l’aéroport le cœur léger, réalisant avec allégresse que leur voyage de noces commence enfin, et en beauté. Normal.

– Eva in London et Prince attendent leurs valises avec fébrilité, ne les récupèrent pas, se roulent par terre en pleurant (Eva in London : « Mes valises ! Mes médicaments ! Mon mascara ! ») ou tentent de calmer leur conjoint (Prince : « Ne t’inquiète pas, je suis sûr que nos bagages nous seront livrés très rapidement, et que ton mascara sera sain et sauf ». Faux). Nous quittons l’aéroport le cœur lourd, réalisant avec morosité que notre voyage de noces commence enfin, et en beauté. Pas normal (et en tout cas pas romantique).

Au prochain épisode, notre séjour aux Caraïbes, ou comment Prince a découvert qu’il n’aimait ni la chaleur, ni l’humidité, ni l’eau de mer. C’est ballot.

PS : Eva in London vous prie de bien vouloir ses plus plates excuses pour les trois semaines, deux jours et 53 minutes écoulés depuis le dernier billet. Un peu comme à la SNCF, ce retard est indépendant de  la volonté de l’auteur (mais très dépendant de celle de MiniPrincesse, qui, depuis un mois, ne semble rien avoir de mieux à faire la nuit que de se réveiller toutes les trois heures en hurlant à pleins poumons. Et après, on me dit que j’ai la maternité rayonnante).

Le pire voyage de noces de l’histoire (1) : comment choisir sa destination de voyage de noces

12eme jour du voyage de noces de Prince et Eva in London – une île paradisiaque au beau milieu des Caraïbes

Prince et moi ne rêvons que d’une chose : rentrer à la maison. Oui, à Londres, où il pleut à coup sûr des cordes en cette mi-juillet. Voilà à quel point ce voyage de noces est désastreux. Prince et moi sommes pourtant des jeunes mariés comme les autres : nous aimons notre moitié toute neuve, paresser au soleil, et découvrir le vaste monde. Alors, comment en sommes-nous arrivés là ?

Tout a commencé avec cette conversation, il y a quelques mois :

– Chouchou ?
– Mmm ?
– Tu sais ce dont je rêve, pour notre voyage de noces ?
– Un périple bien roots, sac au dos, au fin fond de la Colombie ?

Cette discussion s’annonce mal.
– Pas tout à fait, non… je rêve de voyager en classe affaires.
– En classe affaires ?
– Mais oui, tu sais : embarquer quand on veut et pas seulement quand l’hôtesse appellera les rangées 40 à 45, tourner à gauche en entrant dans l’avion, déguster une coupe de champagne bon marché et ne pas la finir parce qu’il n’est pas très bon ce champagne, redemander une autre coupe une heure plus tard parce que quand même c’est gratuit et qu’on est en classe affaires après tout, étendre les jambes en pensant aux guignols coincés comme des sardines en classe éco, tout ça. C’est ça, mon rêve.

Froncement de sourcils de Prince.
– Mais… tu as envie de partir où ?

J’hésite quelques instants. Le bluff n’a jamais été mon fort.
– Ben… je ne sais pas. Mais je veux y aller en classe affaires.

Voilà qui ne simplifie pas la prise de décision, un point particulièrement sensible dans l’entité Couple formée par Eva in London et Prince. Paraît-il qu’à deux, on est plus forts. Lorsqu’il s’agit de faire des choix, Prince et moi, à deux, on est plus faibles. Perfectionnistes invétérés (oui, c’est un vrai défaut, et pas seulement un truc à sortir en entretien d’embauche quand on n’ose pas avouer son incapacité à tenir une deadline ou à communiquer avec son chef sans recourir à la violence verbale et/ou physique), perfectionnistes invétérés, donc, Prince et moi sommes tout bonnement incapables de prendre la moindre décision : quel plat cuisiné acheter pour le dîner de ce soir ? Comment s’occuper un samedi après-midi dans l’une des capitales les plus dynamiques du monde ? Tout nous pose problème.

Autant dire que choisir une destination parmi les 194 pays du monde relève pour nous de l’impossible (la liste suivante et les clichés associés n’engageant que leur inculte auteur) :

– L’Australie ? Trop loin : au bout de 10 jours de vacances, grand maximum, Prince ne rêve que de retourner faire le banquier à la City.
– La Corse ? Trop près. Le ferry, ça manque de glamour comme moyen de transport.
– Le Pérou ? Y a pas de plage. En tout cas, pas de belle plage sur laquelle lézarder pendant des heures (comme nous le verrons par la suite, ceci était un faux problème…).
– Les Seychelles ? Y a que de la plage. Comment on va s’occuper, au bout de 2 jours, quand on aura fini de débriefer sur le mariage et qu’on n’aura plus rien à se dire ?
– L’Islande ? Trop froid. Je n’ai pas perdu six kilos pour laisser passer l’occasion de m’exhiber en maillot de bain.
– Le Maroc ? Trop chaud. Il faut qu’il me reste un minimum d’énergie pour parader dans le sus-dit cher et trop petit maillot de bain.
– La Norvège ? Trop cher. Prince a beau être banquier, payer mon croissant au prix du diamant, ça me bloque.
– L’Ouzbékistan ? Trop roots. C’est un voyage de noces, quand même, pas un trek UCPA.

Bref, au bout de plusieurs heures passées à examiner attentivement la carte du monde – apprenant ainsi au passage à situer, même temporairement, d’obscures destinations telles que le Guatemala ou Zanzibar – Prince et moi parvenons à trois conclusions :

  1. Conclusion n°1 : notre brief est simple. De la plage mais pas seulement parce qu’on n’est pas des larves, de la culture pour rentrer moins bêtes mais pas trop parce qu’on est là pour se reposer, du soleil mais pas trop parce que Prince n’aime pas la chaleur, loin mais pas à l’autre bout du monde non plus parce que c’est fatigant. Ah, et qu’il reste de la place en classe Affaires avec les miles que j’ai accumulées dans mon job précédent.
  2. Conclusion n°2 : aucun pays au monde ne répond à nos critères drastiques.
  3. Comme diraient Marshall et Ted dans la série How I met your mother, nous décidons de ne rien décider : « Let future Eva and future Prince deal with it » (laissons ça à future Eva et futur Prince), tel est notre nouveau slogan de futurs jeunes mariés.

Dans le prochain épisode, nous verrons comment j’en suis arrivée à me rouler par terre en pleurant à l’aéroport de Caracas (la capitale du Vénézuela, pour celles et ceux qui se poseraient la question).

Et vous, quelle est votre destination de rêve ?

Comment choisir sa robe de mariée en dix leçons

Maintenant que je suis en bonne voie pour perdre 10% de mon poids, j’ai l’esprit (et l’estomac) libre pour passer à l’étape suivante : le choix de ma robe de mariée.

Je vous passe les détails de cette longue et apocalyptique journée, et préfère vous livrer quelques enseignements de mes déboires. Et pour ne pas déroger à mon format préféré, voici les 10 conseils d’Eva in London pour choisir sa robe de mariée :

1. Mener vos recherches dans le pays – voire, comble de la sobriété, la ville – dans lequel vous résidez. Non, faire l’aller-retour en train / avion / Eurostar à chaque essayage n’allègera ni votre budget, ni votre to-do list.

2. Prendre rendez-vous le plus à l’avance possible. De toute manière, d’après la vendeuse, ce sera toujours « juste » et « il vaudrait vraiment mieux vous décider (comprendre : signer un bon gros chèque) aujourd’hui ». Ne pas oublier que demain, la vendeuse ne sera pas là, qu’elle ne touchera donc pas sa commission, et donc que demain, c’est trop tard.

3. Enrôler une personne de confiance. Une, parce que plus on est de fous, plus les avis divergent, et plus vous êtes susceptible de vous noyer dans les affres de l’irrésolution ; de confiance : pas votre mère, si, à peine la robe enfilée, elle claironne que « décidément, c’est vraiment mal coupé ». Pas votre grande sœur, si elle n’a pas digéré que vous vous mariiez avant elle. Pas votre meilleure amie, si elle a le malheur d’être plus jolie et/ou mince et/ou riche que vous.

4. Si cela fait plusieurs décennies que vous sautez les pages mode des magazines féminins, ne pas s’attendre à « trouver l’inspiration » dans le book que vous tend la représentante de SuperRobes, juste parce qu’il a la taille de l’Encyclopedia Universalis. Après tout, il ne contient que des robes blanches à perte de vue. Comment diable pourriez-vous bien décider sur laquelle jeter votre dévolu ? Appeler votre personne de confiance à la rescousse.

5. Devenir bilingue pour pouvoir discuter avec la vendeuse sans s’arracher les cheveux : chez SuperRobes, « blanc » se dit ivoire, crème ou champagne (?), mais surtout pas blanc.
« Elle vous va à ravir » siginifie « Ca fait quasiment une heure qu’elle essaie tout le magasin, elle va se décider, oui ou non ? ».
Enfin, « Je vous propose d’essayer ce modèle un peu différent, il mettra mieux en valeur votre poitrine / taille / silhouette » veut dire   « Même avec toute la bonne volonté et les formations de commerciale du monde, y a rien à en tirer : elle a vraiment l’air d’un sac ».

6. A propos de cheveux, rassurer la vendeuse : oui, comme 99% des fiancées, vous comptez bien les laisser pousser pour arborer un traditionnel chignon de mariage le jour J. Ne pas ajouter qu’elle peut toujours attendre : vu que vous avez réussi à gagner six centimètres en quinze ans, il y a peu de chances que en preniez autant en six mois.

7. A moins d’avoir 18 ans et d’assumer le total look « Like a virgin », refuser d’être recouverte de dentelle de la tête aux pieds sous prétexte que « c’est la mode cette année ».

8. A moins d’avoir de vouloir vous engager dans une relation sado-maso le temps de la confection de votre robe, refuser de vous faire traiter de grosse (« Ah, mais c’est qu’elle est ronde ! » – sic). Même si c’est le créateur qui le dit. Même s’il le dit avec le sourire. Même si la robe est magnifique. Même (et surtout) si vous êtes réellement grosse.

9. A moins de vouloir dépenser plusieurs mois de salaire dans une robe magnifique, mais dont finalement vous n’aimez pas beaucoup le col et dont vous modifieriez bien les bretelles, refuser de vous entendre répondre « Ah, mais mademoiselle, modifier l’harmonie de la robe, vous n’y songez pas ! ».

10. Faire confiance à votre coup de cœur : non, vous ne trouverez pas mieux. Souhaiter qu’il en aille de même pour le choix du mari. Il vous en coûterait beaucoup plus cher pour l’échanger contre un autre modèle.

Rien ne sert de courir, il faut maigrir à point(s) – ou comment perdre ses kilos en trop pour rentrer dans sa robe de mariée (3)

C’est le moral dans les chaussettes que j’arrive chez SuperConseil en ce lundi matin. Je suis désabusée par l’échec cuisant de mon plan Vigikilos. Là où les magazines prodiguent leurs conseils pour « maigrir sans se frustrer », j’ai réussi l’exploit de grossir sans me faire plaisir.

Là où j’avais six kilos à perdre, j’en ai désormais presque huit. Soit le nombre de mois qui restent jusqu’au jour J. Un kilo par mois, paraît-il, c’est le rythme de régime idéal… si ce n’est que je suis toujours aussi réticente à l’idée de faire un régime. Rien que le mot me donne des boutons. Très peu pour moi, la liste de menus établie jour après jour, alors que je n’aime rien tant que de décider seule et au dernier moment de ce que je vais manger. Le souci, c’est que, tiraillée entre mon rejet de toute soumission à un programme établi et mon absence totale de discipline… eh bien, on a vu le résultat. Que faire ?

Heureusement, à l’heure du déjeuner, alors que je me demande quel supermarché va bien pouvoir me fournir en plat cuisiné allégé en matières grasses, sucre, sel et goût, la réponse vient à moi. Ayant fait preuve d’une rare marque de sociabilité en demandant à la cantonade si l’un de mes collègues souhaite que je lui rapporte quoi que ce soit du supermarché (c’est décidé, ce sera Waitrose, ce midi : leur imitation de poulet sauce crème korma version allégée est très convaincante), je remarque l’air particulièrement concentré de ma piquante et plantureuse collègue américaine. Et, à bien y regarder, n’aurait-elle pas l’air un peu moins plantureuse aujourd’hui ? Intriguée, je m’approche d’elle et remarque que son écran d’ordinateur n’affiche pas l’habituel Powerpoint de propagande marketing qu’elle « peaufine » durant l’essentiel de sa journée de travail. Non, Kate semble absorbée par une sorte de tableur qui n’est manifestement pas aux couleurs de SuperConseil. Voilà qui est de plus en plus mystérieux.

Plantée derrière elle les bras ballants, j’hésite à la déranger, avant de me souvenir qu’elle est Américaine, et donc peu sensible aux précautions verbales si chères aux Britanniques.

– Que fais-tu ?

Elle se retourne, surprise en flagrant délit de non-pipotage marketing.

– Ah, c’est toi (sans doute a-t-elle poussé un ouf de soulagement en constatant que ce n’était un autre SuperMarketeur qui l’interrompait, mais seulement moi, sous-grouillotte) ! Eh bien, poursuit-elle un grand sourire aux lèvres, c’est le site de mon nouveau régime. Je me suis inscrite chez Fines Femmes, et j’ai déjà perdu quatre kilos !

J’ai toujours pensé qu’il n’y avait pas plus forts que les Américains pour réussir à vendre tout et n’importe quoi. Devant cet air enjoué, la méfiance s’imposé. En même temps, l’observation n’a beau pas être mon fort, quatre kilos en moins, à y regarder de près, ça se voit, quand même. Il y a peut-être une idée à creuser, et ce même si le nom du site me fait plutôt penser à un site de rencontres à tendance fétichiste. Je me lance :

– Comment ça marche ?

Une demi-heure après, même avec un cerveau ralenti par l’inanition qui me guette, j’ai compris le principe simplissime de FF (Fines Femmes pour les initiées) : à moi, un nombre de points journaliers à utiliser comme je veux (youpi) mais limité par un quota de SuperPoints (moins youpi, mais un compromis acceptable au vu de mes déboires de la semaine passée et sur lesquels j’ai décidé de cesser de m’épancher). Et le tableur dans lequel on rentre tout ce qu’on avale pourrait satisfaire mon inextinguible besoin de contrôle. Un système qui me laissera avaler ce que je veux, me réprimandera si j’ai trop mangé et s’éteindra comme par magie si j’appuie sur le bouton on/off ? Décidément, ça me plaît.

Quelques heures de recherches plus tard – on peut dire que mon après-midi de SuperConsultante a été productif – tempèrent quelque peu mon emballement initial. Mes investigations sont pourtant riches d’enseignements :

– Si j’ai pris un kilo et demi en une semaine, c’est sans doute lié au fait que j’atteignais mon quota journalier de 21 SuperPoints dès 13 heures, pour le dépasser d’environ 300% à la fin de la journée

– En particulier, l’impitoyable tableur de Fines Femmes estime ma petite part de gâteau au chocolat de la veille à 8 SuperPoints, soit plus d’un tiers des points alloués.

– Les Fines Femmes françaises sont bien mieux lotties que leurs homologues anglaises : une étude comparative poussée des deux sites m’apprend que les fruits coûtent 1 à 3 SuperPoints de ce côté-ci de la Manche contre 0 en France. Sans surprise, je penche pour le pays le plus accommodant.

Malgré ces mauvaises surprises et toute la bonne volonté du monde – même en prétendant peser 160 kilos, avoir une activité professionnelle très exigeante physiquement et allaiter, Fines Femmes n’est pas prêt à m’accorder beaucoup plus de SuperPoints – je valide mon inscription le cœur léger.

A moi, les joies du tableur Fines Femmes et du comptage obsessionnel de SuperPoints.


PS : toute ressemblance avec une méthode existante ne saurait être que fortuite 😉

Rien ne sert de courir, il faut maigrir à point(s) – ou comment perdre ses kilos en trop pour rentrer dans sa robe de mariée (2)

Lorsque j’étais ado et tourmentée (à juste titre) par mon apparence lunetteuse, boutonneuse et boulotteuse, je me rappelle avoir posé la question suivante ma mère :
– Maman, si on est parfaitement habillée, coiffée et maquillée, ce n’est pas très grave d’avoir cinq kilos en trop, si ?
Ma mère, devinant comme seules les mamans savent le faire toute la portée de ma question, sut trouver les mots pour me réconforter :
– Bien sûr que non, ma chérie. C’est bien plus important de soigner son apparence.

Je ne sais pas par quel miracle je pensais que la puberté allait me faire m’intéresser à la mode, sans parler de « soigner mon apparence » ; j’avais simplement déjà dû abandonner l’espoir qu’elle me transforme en sylphide. Sans surprise, je suis tout bonnement devenue une jeune femme moins lunetteuse, moins boutonneuse et moins boulotteuse que ne l’était l’Eva in London adolescente. Mais entre l’option « perdre cinq kilos » et l’option « être parfaitement habillée, coiffée et maquillée », je n’ai jamais sérieusement envisagé ni l’une ni l’autre. Au fil du temps, je me suis plus ou moins bien accomodée de mon imperfection voluptueuse, un peu comme on s’habitue à une ampoule grillée à la cave : en se disant de temps en temps qu’il faudrait la changer, et en oubliant généralement aussitôt.

Mais ces derniers temps, mariage oblige, mes kilos en trop se rappellent à mon bon souvenir. J’ai donc décidé de « faire attention » à l’aide du plan Vigikilos, niveau écarlate (menace certaine). Je m’enorgueillis déjà de tout le bon sens dont je vais faire preuve, moi – sous-entendu : pas comme toutes ces mijaurées « au régime » qui déclarent après une tranche de jambon découenné qu’elles ne peuvent plus rien avaler.

Enfin, régime ou pas, une journée où je fais attention se distingue aisément d’une journée habituelle :

– 7h : levée une demi-heure plus tôt que d’ordinaire, je suis d’ores et déjà de mauvaise humeur. Pourquoi suis-je si matinale ? C’est que, pleine de bonne volonté, j’ai décidé de remplacer mon petit déjeuner à base de sucre (céréales, lait, pain, beurre, confiture, miel – parce que chez Eva in London, on ne lésine pas sur le premier repas de la journée : c’est bien céréales ET pain, confiture ET miel, et même chocolat les matins qui commencent vraiment mal) par un petit déjeuner à base de protéines : deux œufs. J’ai beau abhorrer le salé le matin, je me félicite de ce changement nutritionnel salutaire. Tiens, et pour faire les choses dans les règles, j’ajoute même un fruit. Allez, cette fois, je me fais plaisir, pas juste un petit kiwi ou une orange ; une mangue. Entière. Bon, c’est pas grave, ce sont des sucres naturels.

– 10h30 : j’ai faim. Ca, c’est comme d’habitude. Mais au lieu de trois Digestives au chocolat, je n’en mange que deux, et nature en plus. Bizarrement, ça ne me procure pas la même satisfaction.

– 10h45 : j’ai encore faim. Je me fais un thé pour me caler l’estomac. Les magazines l’affirment catégoriquement : « Souvent, lorsque vous croyez avoir faim, il s’agit en réalité d’un sentiment de soif. Dans ce cas, n’hésitez pas à boire un grand verre d’eau »

– 10h58 : je ne sais pas si j’avais soif, mais en tout cas, j’ai toujours faim. Mon estomac n’est donc pas dupe. Que faire ? Je décide d’attendre courageusement l’heure du déjeuner.

– 11h59 : je bondis de ma chaise pour aller me chercher un plat cuisiné. Ah non, c’est vrai, je me suis fait une salade. Mais, comme je ne suis pas au régime, c’est une salade de pâtes, avec des protéines, des légumes, et tout et tout. J’en ai fait beaucoup, mais c’est parce qu’il paraît que pour maigrir du-ra-ble-ment, il ne faut pas avoir faim. Ca tombe bien, parce qu’affamée comme je suis, je termine sans problème mon tupperware géant. La route de l’enfer est pavée de bonnes intentions.

– 12h30 : où est la dose de chocolat indispensable à mon équilibre mental, si ce n’est nutritionnel ? J’ai dû oublier d’en apporter de la maison. Mais je possède une volonté de fer. Oui, je peux me passer de chocolat aujourd’hui ce midi.

– 12h39 : oubliée, ma volonté de fer. L’obsession du chocolat a envahi tout mon esprit au point de me faire perdre toute concentration sur des bases de données de salaire pourtant fascinantes. A peine consciente de me lever, je me dirige comme inexorablement vers le distributeur de bonbons. Et, raisonné-je, si je me contente d’un demi-Twix et que je résiste à l’appel de la deuxième de barre de biscuit et de caramel enrobée de chocolat, mais je m’égare, eh bien, ce sera toujours la moitié de mon quota quotidien.

– 16h : la faim me tenaille à nouveau. Heureusement, je débusque au fond d’un tiroir un sachet de fruits secs. Et un autre thé, parce que « souvent, lorsque vous croyez avoir faim, il s’agit en réalité d’un sentiment de soif, etc.». L’honneur est sauf.

– 19h : je presse Prince de rentrer à la maison. J’ai faim, pour changer. A mon troisième mail en dix minutes, il semble enfin saisir tout l’impératif de la situation et arrête de faire le banquier pour la journée.

– 19h35 : j’ai à peine salué Prince à son retour, mais l’essentiel est accompli. Nous sommes à table. Conformément à mes bonnes résolutions – petit déjeuner pas salé mais copieux, déjeuner équilibré avec un peu de chocolat mais pas trop, en-cas sains et nutritifs – mon dîner est léger. Ben oui, parce que si je veux maigrir, je ne peux pas passer mon temps à manger, non plus. Au menu, donc : soupe de légumes maison et… une tranche de jambon découenné. Et un yaourt nature. Et un mi-nu-scule bout de chocolat.

– 23h : décidément, rien ne semble apaiser mon appétit. Sans conviction, je me répète « Souvent, lorsque vous croyez avoir faim, il s’agit en réalité, etc. » et me prépare une tisane avant d’aller dormir, quelque peu abattue par cette étrange journée. J’ai l’impression de ne jamais avoir autant mangé (c’est vrai) tout en n’ayant jamais été aussi frustrée (c’est vrai aussi).

– 3h30 : une fringale d’une intensité rare me force à émerger soudainement des bras de Morphée. Je m’interroge : si je me lève pour déguster « un tout petit peu » de mon en-cas nocturne favori, un bol de céréales détrempées dans du lait, Prince se réveillera-t-il en me maudissant ? La réponse ne se fait pas attendre : c’est oui. Mais au moins, je n’ai plus ni faim, ni soif, et me rendors du sommeil du juste.

Il paraît que dans un régime – zut, j’avais oublié que je n’étais pas au régime, je « fais attention » – les trois premiers jours sont les plus difficiles. C’est faux : le reste de la semaine est à l’avenant. Mon moral plonge, mon jean est toujours aussi serré (en vertu du principe « si j’achète une taille au-dessus je la remplirai illico », cela fait un an et demi que je refuse d’investir dans un jean neuf) et Prince se montre de plus en plus agacé de vivre avec une Eva in London plus agitée et guère plus mince pour autant.

Pourtant, je tiens bon : toujours en vertu du bon sens, je ne mange qu’une petite part de gâteau au chocolat au dîner d’anniversaire de ma meilleure amie, je continue à bien petit déjeuner (même si les œufs sont passés à la trappe dès le mardi) et je ne m’affame pas. Et surtout, je ne me pèse pas : les experts sont formels, le poids varie parfois considérablement d’un jour à l’autre. Autant ne pas me laisser perturber par ces petites fluctuations.

Enfin arrive le lundi, et avec lui, le droit de me peser pour tirer le bilan de cette semaine.

Eh bien, il n’y a pas de mystère : les dîners légers et les en-cas en quantité raisonnable ont fait leur effet. Enfin, surtout les en-cas. Bilan du plan Vigikilos : un kilo et demi en plus.

Désemparée face à cet échec retentissant, j’envisage de passer au niveau supérieur du plan Vigikilos, avant de me souvenir qu’hélas, il n’y en a pas. Peut-être ma solution, certes astucieuse et séduisante, de mettre bout à bout le « best of » de chaque régime – petit déjeuner copieux, en-cas gourmands, déjeuner très très équilibré, pas de privation de chocolat, manger de tout, pas besoin de faire de sport – n’est-elle pas tout à fait au point.

Il va donc me falloir adopter une stratégie différente… mais laquelle ?

Rien ne sert de courir, il faut maigrir à point(s) – ou comment perdre ses kilos en trop pour rentrer dans sa robe de mariée (1)

Maintenant que je me suis arraché les cheveux à trouver un DJ, un photographe et un traiteur, me voici prête à passer à l’étape suivante dans ma transformation en cliché-sur-pattes de fiancée hystérique mon parcours initiatique de future épouse : le régime.
Car quelle jeune femme préparant son mariage ne s’est pas posé LA question ? Non pas « Est-ce le bon ? », ou encore « Suis-je prête à me le coltiner durant cinquante, soixante voire soixante-dix ans à m’engager ? », mais, plus prosaïquement : « Vais-je réussir à perdre X kilos (retrouvant ainsi le poids de ses 15 / 25 / 35 ans, suivant l’âge et le degré de réalisme de la mariée) à temps pour le grand jour ? »
Et si, par hasard, la mariée peut déjà se targuer d’une silhouette de rêve, il se trouvera malgré tout toujours un proche bien intentionné pour lui susurrer : « Et tu comptes faire un peu de sport, pour le mariage ? »
C’est ainsi que, sous prétexte qu’ « on a toujours été plus efficace dans l’urgence », on se retrouve à commander une robe de mariée deux tailles en dessous de la sienne.
Je ne fais pas exception à la règle. J’ai beau n’avoir encore aucune idée de LA robe – ayant toujours soigneusement sauté les pages mode des magazines féminins, je ne vais pas commencer à les feuilleter aujourd’hui sous prétexte que la revue s’appelle SuperMariées ou TopMariage – je suis sûre d’une chose : le jour J, je serai resplendissante… et mince.

Mais comment s’y prendre, lorsqu’on traîne quelques kilos en trop depuis… ben, la nuit des temps ? Quand, gourmande invétérée, on a toujours catégoriquement refusé de se mettre au régime ? Quand la simple idée d’avoir faim déclenche un état de panique avancé ?

On « fait attention ».
Mais si, vous savez : on ne se goinfre pas, on mange quand on a faim, et seulement quand on a faim, on se limite à un carré de chocolat au lieu de descendre toute la tablette, on fait un peu de sport… bref, on suit (ou plutôt on se promet de suivre) toutes ces injonctions que nous serinent à longueur de printemps les magazines, nous rappelant sans vergogne que c’est « bientôt le maillot ! ».

Comme s’il suffisait de faire preuve de bon sens pour maigrir.
Tiens, moi, par exemple. Par le passé, j’ai déjà « fait attention ». En substance, cela signifie des journées qui finissent comme elles ont commencé : en pensant à MANGER. N’est-ce pas toujours mon cas, s’étonneront mes proches ?
Certes. Mais c’est beaucoup moins drôle de s’endormir en songeant au petit déjeuner du lendemain lorsqu’on est taraudée par la culpabilité, la faim et la terreur de ne pas rentrer dans sa robe de mariée.

Hélas. Comme me l’a un jour asséné un médecin sûrement bien intentionné, j’ai six kilos à perdre pour atteindre le « poids idéal » – décrété suivant quelles règles ? Mystère. Rien de bien dramatique, donc, mais pour me sentir l’âme d’une princesse le jour de mon mariage, j’aimerais en avoir également le corps – ou tout du moins ne pas passer la cérémonie à me demander si ma robe me fait de grosses fesses. Je me rends donc à l’évidence : je vais devoir « faire attention ».

Plan VigiKilos activé, niveau écarlate : menace certaine.