Si vous voulez bien manger en Angleterre… (ou comment fêter son 101ème article quand on a oublié de fêter le 100ème)

… prenez trois petits déjeuners !

Ce n’est pas moi qui le dit, mais un vrai Anglais, Somerset Maugham.

Alors voilà, moi j’aime beaucoup faire du mauvais esprit, mais force m’est de reconnaître que ce cliché est de moins en moins vrai. Oui, on peut bien manger en Angleterre et a fortiori à Londres. Morceaux gastronomiques choisis (cliquez sur l’image pour l’agrandir) :

Et pour vous en faire la démonstration, mais surtout fêter mon 101ème article (ben oui, j’aurais pu fêter le 100ème, mais j’ai pas fait attention), je vous propose un CONCOURS – les majuscules ayant pour but de retranscrire un peu de l’excitation qui me gagne à cette seule idée.

Pour gagner un panier gastronomique de spécialités anglaises (pas encore acheté, mais j’ai plein plein d’idées, des scones, des oat cakes, des Christmas puddings, et en tout cas pas de Marmite hein, sauf goûts douteux du ou de la gagnant(e)), rien de plus simple :

Laissez un commentaire (ça me fera plaisir) indiquant ce que vous préférez chez les Anglais (ça me fera rire) ou à Londres (ça me fera voyager, maintenant que je ne sors plus de chez moi qu’en poussette et dans un rayon de 500 mètres autour de la maison).

L’ironie est non seulement acceptée mais conseillée. La mauvaise foi aussi. Mais si vous aimez vraiment les Anglais et/ou Londres, on prend aussi.

Je choisirai au hasard (sic) un commentaire parmi ceux déposés entre aujourd’hui 9 novembre et samedi 12 novembre. L’heureux gagnant se verra envoyer un magnifique, sublime, gigantesque (j’en fais trop, là ?) panier gastronomique.

C’est comme ça qu’on fait dans les vrais concours ?

Bref. Merci encore de votre fidélité.

C’est à vous, chers lecteurs !

L’aventure du chili con carne, suite et fin

Le suspense était intenable : Eva in London mangera-t-elle tout son chili con carne comme une sage petite fille ? Retournera-t-elle en larmes chez Vittorio, quémandant sa dose quotidienne d’huile d’olive et de parmesan ? Jettera-t-elle, enragée, son chili con carne à la poubelle en maudissant à tout jamais Marks et Spencer de lui avoir proposé de « compter sur eux » ?

Je reconnais que la conclusion de l’article précédent était quelque peu abrupte. Mais quel intérêt présente bien la dégustation d’un chili con carne industriel ? pensais-je naïvement. Pourtant, vous avez été des dizaines, que dis-je, des centaines, à m’envoyer des messages indignés. « Alors, alors ? Et après ?». Je cède : voici l’aventure de l’aventure du chili con carne, suite et fin.

Y en a quand même parmi vous qui doivent vraiment s’ennuyer au boulot. Moi, j’dis ça, j’dis rien.


Résignée, je libère le plateau plastique de chili con carne de la manche en papier toujours estampillée « Comptez sur nous », et me plonge dans les instructions.

–          « Retirez le papier » : jusque là, rien que de très logique

–          «  Percez le film plastique de quelques trous à l’aide d’une fourchette » : d’emblée, ça se corse. Chez SuperConseil, les SuperConsultants ont tendance à piquer les fourchettes en métal. Pratique mystérieuse, mais qui a le don d’énerver John, dit John des Services Généraux. John des Services Généraux rappelle régulièrement que les couverts en métal, ça coûte cher, et que les voler, quand on est SuperConsultant, ce n’est quand même pas une façon très correcte d’arrondir les fins de mois. Du coup, on en est réduit aux fourchettes en plastique – ce qui est maaaaal pour l’environnement, et pas du tout pratique pour « percer le film plastique de quelques trous ». Bref, trois fourchettes cassées plus tard, je décide que le bilan carbone de mon déjeuner est déjà assez lourd comme ça, et j’arrache allègrement tout le film plastique.

–          « Réchauffez au micro-ondes uniquement : 4,5 minutes pour un four de 750 watts, 4 minutes pour un four de 850 watts ». Et le four micro-ondes SuperConseil de 800 watts ? Allez, on ne recule pas devant une petite règle de trois. C’est beaucoup plus technique que ce que je pensais, de réchauffer un plat cuisiné. Je préférais quand Vittorio remplissait bien mon Tupperware et qu’il dégoulinait d’huile au fond. Au moins, les instructions étaient simples : 1/ manger 2/ ne pas culpabiliser.

–          « A la fin de la cuisson, vérifiez que le plat est chaud » : cette remarque me laisse perplexe. Ils vont nous rappeler qu’il faut une fourchette (en plastique) et un couteau (on n’en a plus, le budget étant épuisé à mi-année après un rythme de disparition beaucoup trop rapide), et une serviette autour du cou, et un verre d’eau aussi ? Il n’y a plus de limite à la complicité avec le consommateur.

–          Ne pas re-réchauffer : tellement important que c’est marqué en gras. En même temps, faut pas se mentir. 380 calories de chili con carne super allégé, si on en laisse, c’est qu’il doit être tellement mauvais qu’on ne risque pas de le finir au repas suivant.

Allez, passons à la dégustation, sous peine d’en reprendre pour un troisième billet sur le chili con carne, et faut quand même pas abuser des bonnes choses. Bilan en trois points :

  1. Quand Marks et Spencer disent quelque chose, c’est comme Jacques, on fait ce qu’ils nous demandent. On n’arrache donc pas le film plastique comme une sauvage, à moins de vouloir nettoyer honteusement mais rapidement (pour éviter de s’attirer les foudres de John des Services Généraux) le micro-ondes entièrement repeint de sauce marron/rouge.
  2. Le chili con carne britanninque noté « peu épicé » (un piment sur un maximum de trois), pour un palais français, ça reste assez corsé pour en avoir les larmes aux yeux
  3. Paradoxalement, on retrouve aussi le goût de l’ingrédient principal… l’eau.

La conclusion qui s’impose, c’est que Marks et Spencer ne font quand même pas aussi bien que la cuisine que Vittorio. Non, sérieusement, c’est correct, sans plus. Heureusement, il me reste des dizaines d’autres plats sur lesquels je peux compter : nouveau bilan d’ici quelques semaines. 

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PS : en bonus, un sketch so British qui ne manque jamais de me faire rire, et qui devrait rappeler à certains les ficelles de la télé-réalité (ah, l’île de la tentation… que de bons souvenirs) :

Pause déjeuner à l’anglaise (3) : le plat cuisiné

La mort dans l’âme, et trois kilos en plus sur les hanches, je me résous donc à prendre le chemin de Marks & Spencer. Comme je suis toujours aussi désemparée devant une poêle et une casserole, il me faut en effet trouver un nouveau cuisinier. Alors que je pénètre dans le supermarché intitulé « Simply Food » en me remémorant avec nostalgie les lasagnes supra-caloriques de Vittorio, je trouve immédiatement de quoi regonfler le moral des troupes : les rayons débordent de dizaines, que dis-je, de centaines de plats cuisinés différents. Visiblement, je ne suis pas la seule à ne pas savoir / vouloir / daigner cuisiner dans ce pays. Camarades handicapés de la spatule, unissons-nous ! Faisons carillonner les caisses des supermarchés !

Toute à mon euphorie consommatrice, je m’égare dans les rayons « world food » : du curry de canard ( ?) aux cannellonis chères à mon ex-cuisinier, tout est là. Hélas, impossible de trouver un plat à moins de 600 calories.

Petit rappel : un plat à plus de 400 calories, quand on veut perdre du poids, c’est moyen. Plus de 500, c’est mal. Plus de 600, c’est de l’auto-sabotage. Tout comme en dessous de 300, s’affamer au déjeuner me paraissant être la meilleure façon d’échouer une heure après, hagard et honteux, devant le distributeur de barres chocolatées.

Résignée, je me dirige donc vers les plats « Count on us » : comptez sur nous. Etrange appellation s’il en est. Que se proposent donc de faire les marketeurs de l’illustre chaine de supermarchés ? Comment souhaitent-ils que  nous, consommateurs à la recherche de plats cuisinés allégés –  en beurre, crème et toute autre graisse, mais délicieux quand même – comptions sur eux ? Enigmatique.

Pas désarçonnée pour un sou, j’étudie longuement – très longuement – la gamme de plats-sur-lesquels-on-peut-compter-même-si-on-ne-sait-pas-très-bien-pourquoi. L’appel de l’estomac se faisant de plus en plus durement ressentir, je porte mon choix sur un chili con carne.

 

L’affaire se présente bien. Mon déjeuner :

– se situe pile-poil dans la sacro-sainte fourchette de calories (entre 300 et 400, pour ceux qui suivent les règles érigées par l’éminente nutritionniste Eva in London)

– est servi avec du riz long grain (très chic, tout ça)

– est pauvre en graisses saturées (le nouveau dada des nutritionnistes)

– cerise sur le gâteau, il m’apporte même une des cinq portions de fruits et légumes recommandées par le PNNS anglais. Intrigant : cette portion vient-elle du riz ? de la viande ? du sachet plastique ? Ne posons pas de questions.

Je suis également rassurée de ne trouver ni E304, ni gomme de xanthane ni autre horreur industrielle dans mon plat – on n’est pas chez Marks & Spencer pour rien (meme si j’y ai déjà trouvé de la limonade contenant des ingredients aussi banals que de la graisse ou du sel). En revanche, je reste interloquée par le premier ingrédient, donc celui qui pèse le plus lourd dans mon plat : de l’eau.

J’hésite à reposer ce déjeuner sur lequel je comptais tant, et à retourner aussi sec chez Vittorio – qui, lui, coupe sûrement ses plats à l’huile plutôt qu’à l’eau . Puis je me rappelle le verdict impitoyable de ma balance.

Va pour le chili con carne. Mais je vais peut-être devoir me mettre à faire la cuisine, après tout. 

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Pause déjeuner à l’anglaise (2) : le delicatessen

Je serai une vraie Anglaise ou ne serai pas : les premières semaines de mon expatriation anglaise sont placées sous le signe de l’intégration. Je suis bien décidée à ce que mes journées ressemblent le plus possible à celles des autochtones, à savoir :

– commencer par une réconfortante tasse de thé (mais sans lait ni sucre, au grand dam de mes collègues)

– travailler dur pour pouvoir se payer un sandwich à la fois cher et contenant cinq fois la limite quotidien recommandée de graisses saturées

– terminer la journée en beauté : non pas au resto avec d’autres Français égarés – pardon, expatriés – à Londres (« Venir à Londres pour rencontrer des compatriotes, quelle absurdité ! » m’exclamai-je maintes fois naïvement), mais au pub avec ses collègues. C’est-à-dire à la fois transi de froid (il y a toujours un Anglais bien intentionné pour s’écrier « Oh, il reste une table dehors, génial ! », alors qu’il fait 10 degrés), et saoule (il faut bien se réchauffer).

Mais avant d’aborder le riche sujet des soirées arrosées au pub, attardons-nous encore sur ce moment bien insignifiant dans la vie d’un Anglais : la pause déjeuner. Dans l’esprit « Food is Fuel » (le slogan de mon collègue James), le seul but est de se remplir l’estomac pour tenir jusqu’à 17h, voire amortir la première pinte de 17h30 si le sandwich est vraiment gigantesque.

Telle l’exploratrice Alexandra David-Néel observant les Tibétains, j’étudie donc attentivement le comportement de mes collègues dans notre semblant de cuisine / cantine :

– quelques-uns sortent du réfrigérateur gracieusement mis à notre disposition par SuperConseil des restes de takeaway curry (très populaire après une cuite, donc très populaire)

– d’autres, plus chanceux, réchauffent un petit plat généralement mitonné par leur femme / copine / maman

– enfin, il se trouve toujours quelques jeunes femmes déjà bien fluettes pour contempler avec satisfaction leurs trois feuilles de salade parsemées de tomates cerises et de minuscules dés de concombre (« Mais où sont le plat, le fromage et le dessert ? » me retiens-je de leur crier)

A ceux qui cherchent désespérément une excuse pour quitter – même temporairement – les locaux de SuperConseil, il reste deux solutions : le delicatessen, et le supermarché. Commençons par le delicatessen, ou deli pour les initiés.

Trop paresseuse pour me faire la cuisine, trop gastronome pour le sandwich triangle auquel je voue une véritable haine, je me laisse guider par mes collègues jusque chez Vittorio. Vittorio tient un des quatre delis italiens présents dans un rayon de 500 mètres autour de SuperConseil, et sans doute l’un des plus populaires également : la queue déborde jusque dans la rue. En indécise invétérée, j’en profite pour me lancer dans une analyse approfondie de l’offre. Deux segments principaux se dessinent à l’ancienne marketeuse que je suis :

– les plats cuisinés : lasagnes, cannelloni, spaghetti bolognaise, escalopes milanaises… Crème onctueuse, huile d’olive scintillante, viande moelleuse : tout a l’air absolument succulent. Et beaucoup trop dévastateur pour ma ligne pour être dégusté autrement que du regard.

– les sandwiches : là, c’est bac + 3 ou cinq ans d’expérience minimum. Devant moi, pas moins d’une vingtaine de garnitures différentes, du poulet-avocat-crème (même motif, même punition) au bacon-brie en passant par le curry vert d’agneau (on n’est pas dans une ville cosmopolite pour rien). Et le casse-tête ne s’arrête pas là. Il faut également choisir le type de pain, sandwich servi chaud ou froid, si on veut de la salade, sur place ou à emporter…

Je débats longuement le pour et le contre d’une douzaine de combinaisons avant de me rendre compte qu’un de mes collègues me pousse du coude : je bloque la queue depuis au moins vingt-cinq secondes, crime impardonnable dans un tel lieu. Dans le doute, je cède à l’appel du ventre et opte pour les lasagnes. Avec un tiramisu en dessert, juste pour être sûre.

Au bout d’un mois de ce régime méditerranéen pourtant réputé si sain, ma balance affiche + 3 kilos. Il est temps de changer de stratégie – mais pas question pour autant de cuisiner. Adieu, délicieux mets  amoureusement par Vittorio, Kasia et Ania (Londres fourmille alors de Polonais). A moi, plats allégés confectionnés par mes nouveaux amis, Marks et Spencer.

 

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Pause déjeuner à l’anglaise (1)

Quand vous vous expatriez en Angleterre, vous arrivez la tête pleine d’idées reçues qui se traduisent par des mots un peu effrayants comme flexibilité, précarité ou productivité. Plusieurs mois après être arrivée chez SuperConseil, pleine d’illusions et de bonne volonté (les premières nourrissant la seconde), je dois avouer que ma plus grande déception est tout bonnement celle-ci : le déjeuner.

Ma contrariété n’est pas d’ordre gastronomique : je n’étais pas naïve au point de m’attendre à un véritable festin chaque midi. Non, les choses sont bien plus simples que cela : la cantine me manque.

Eh oui, la cantine. Vous savez, le lieu où, après avoir bravé les dizaines d’employés affamés ou simplement prêts à tout pour quitter un instant leur poste de travail (« Il est 11h59, on descend ? »), affronté Jeannine de la caisse et son regard qui tue (« Tu crois que je l’ai pas vue, la tarte au citron meringuée discrètement planquée derrière le yaourt nature ? Et repose-moi ce deuxième morceau de pain surgelé tout de suite ! Tu manges tes haricots verts sans beurre comme tout le monde !») et enfin slalomé entre des tables en formica plus ou moins sales, vous vous asseyez enfin, accompagnée de collègues dont le seul point commun avec vous est le mépris que vous inspire votre chef. Ah, le bonheur de déblatérer quarante minute durant – sans compter les prolongations autour de la machine à café (si telle est la culture de l’entreprise). Y a pas à dire, il fait bon vivre dans les entreprises françaises.

C’est donc avant tout cette convivialité bon enfant me manque. J’avais espéré retrouver en Angleterre de telles discussions enflammées, l’accent anglais / indien / italien / allemand en plus (mon service comprend pas moins de huit nationalités différentes). Hélas. Ici, point de cantine. Point même de coin-repas commun, hormis trois micro-ondes qui tournent à plein régime et six chaises hautes le long d’une sorte de bar donnant sur une cour intérieure grise et sale.

En contrepartie, chacun occupe son heure de pause déjeuner comme il le souhaite – en théorie du moins. En pratique, il est bien vu de faire semblant d’être un robot ultra-productif et de ne pas déjeuner, ou alors très vite devant son bureau et en acceptant d’être interrompu pour des questions essentielles du genre « Tu n’aurais pas une agrafeuse à me prêter ? ». Du coup, lorsque Big Ben sonne midi, mes collègues déjà peu loquaces le reste du temps (sauf pendant les nombreuses tournées de thé) s’enfuient sans dire un mot des locaux de SuperConseil.

Passé le premier jour où un collègue bien intentionné (?) m’avait emmenée chercher un sandwich (et profité de cette échappée pour démolir consciencieusement mon nouvel employeur), je me retrouve donc seule face à mon tableur Excel à l’heure du déjeuner. Suis-je la mal aimée, la nouvelle brebis galeuse de l’open space ? Bien que prompte à douter de mes capacités d’intégration, je peux a priori éliminer cette éventualité. Etre impopulaire, je connais : maudire sa non-coolitude, seule à une table, pendant qu’un groupe de jeunes filles blondes, à forte poitrine et plus populaires les unes que les autres passe sans vous voir (elles doivent avoir un radar anti-moches) avec force éclats de rires, j’ai donné pendant tout le lycée.

Ici, nul phénomène de groupe en jeu : chacun semble quitter son bureau de manière aléatoire, pour y revenir au bout d’une durée tout aussi aléatoire, s’échelonnant de trois minutes (pour ceux qui viennent d’être embauchés ou ceux qui font les soldes sur Internet) à plus d’une heure (pour ceux qui viennent de filer leur démission ou qui veulent font les soldes sur Oxford Street).

Désireuse de m’intégrer, mais sans être cataloguée comme boulette dès le deuxième jour, j’avais à mon arrivée hasardé un timide : « Je peux t’accompagner ? » en voyant un collège à l’abord fort sympathique se lever, son parapluie à la main (pas de manteau, les Anglais n’ont jamais froid, comme l’expérience me le montrerait plus tard). Le dit-collègue m’avait regardée comme si j’avais proposé de l’accompagner aux toilettes : interloqué, et même légèrement choqué. Heureusement, la légendaire politesse anglaise avait rapidement repris le dessus :

– Je suis désolé, Eva in London, mais je dois aller acheter une carte d’anniversaire pour ma grand-mère.

(Petite digression pour le plaisir : l’expérience m’apprendrait aussi que les Anglais cultivent un goût attendrissant pour les cartes de vœux. Joyeux Anniversaire, Tu es un Grand-Oncle par alliance génial, Félicitations pour ta licence en sociologie, Bravo c’est un garçon et il s’appelle James, il y en a pour tous les goûts. Il y a tellement de choix qu’en cherchant bien, mon collègue a même dû trouver la carte de ses rêves : Joyeux-Anniversaire-Grand-Mère-74 ans-ça-se-fête-et-félicitations-pour-ta-troisième-petite-fille-tant-qu’on-y-est).

Désormais, je suis au point. Lorsque midi approche, quatre étapes : 

  1. A regret, lever les yeux de mon calculateur de salaire optimal

  2. Guetter les gens qui se lèvent de leur chaise

  3. Eliminer ceux qui vont effectivement aux toilettes sous peine de passer pour une psychopathe, ou, pire, une Française mal élevée

  4. Enfin, réussir à m’attacher la compagnie d’un(e) collègue sans doute prise de pitié par mon regard aux aguets.

Prochain arrêt : le delicatessen.

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A Rome, fais comme les Romains. A Londres…

… mange comme les Anglais.

Mal ? Vite ? Mal et vite ?

Non : mange chinois, thaïlandais ou indien.

Ce WE, dans un souci d’intégration, Prince et moi décidons de tester un petit restaurant chinois dont l’un de mes collègues m’a dit le plus grand bien. « Very authentic », « sooo good », et que sais-je encore. Comme le collègue en question a un accent liverpoolien (ça se dit, ça ?) à couper au couteau, je me suis concentrée sur l’essentiel : c’est bon, et c’est pas cher.

Vendredi soir, 19h30 : Prince et moi nous aventurons dans les petites rues de Chinatown, à la recherche du fameux restaurant (pour ne froisser personne, appelons-le Delicious China). 19h30, c’est pas un peu tôt, ça, pour un dîner romantique, vous demandez-vous ? Rappelez-vous : ce soir, nous sommes dans l’esprit « on fait comme les Anglais » ; le but n’est pas de passer une soirée tranquille en amoureux. C’est de se caler l’estomac le plus rapidement ET efficacement possible pour se lancer sans trop de dégâts dans la première cuite du WE. Et si vous pensez que j’exagère, je vous mets au défi de soutirer trois mots d’affilée à mes collègues le lundi matin.

La porte de Delicious China s’ouvre alors que nous arrivons. Sans réaliser la chance que nous avons, nous pénétrons dans la minuscule échoppe. Le couple suivant, qui a eu l’impudence de rentrer sans permission, se fait réprimander d’un sec “Wait outside please !”. Un accueil qui présage bien (mal) de la suite du repas.

Impassible, notre serveuse nous fait asseoir sans un mot de bienvenue. Son badge nous apprend quand même qu’elle s’appelle Wendy (prénom typique s’il en est ?). A côté de nous, vision rassurante : un couple de “vrais” Chinois passe commande, en chinois s’il vous plaît, à Wendy. Leurs plats arrivent promptement, tellement nombreux et copieux qu’ils tiennent difficilement sur la table. Sans se laisser démonter, nos voisins empoignent leurs baguettes et font un sort à leurs huit assiettes à grands coups de slurp avant même que nous ayons eu le temps de nous décider . « So authentic ! »

En effet, perdus dans la carte que notre aimable serveuse a jetée sur la table, nous commandons la spécialité de la maison, d’énormes beignets farcis à la viande ou aux légumes, des nouilles à la Chengdu ainsi qu’un porridge de millet (?) censé accompagner les beignets.

Toujours optimiste, j’oublie la légendaire réticence de Prince à manger des aliments verts et/ou apportant moins de 500 calories aux 100 grammes, et lui demande :
– Et si on prenait aussi des épinards au gingembre et une salade comme accompagnement ?
Grimace de Prince :
– Heu… la prochaine fois ?
Bien tenté.

En guise de boisson, nous demandons courageusement de l’eau du robinet – c’est très tendance dans le Londres post-crise financière. Quelques minutes plus tard, alors que nous nous débattons avec nos beignets, nous ne voyons toujours rien venir. Un verre d’eau s’avérerait pourtant bien utile pour nettoyer la chemise blanche de mon banquier de Prince, toute éclaboussée de sauce Chengdu.

Heureusement, Wendy réapparait :
– Nous ne servons pas d’eau du robinet le vendredi soir.
Ca, c’est une réponse énigmatique. Je ne compte pas m’en tenir là.
– Ah bon ? Pourquoi ? Le robinet ne marche pas le vendredi ?

J’ai beau protester pour la forme tandis que Prince s’enfonce dans son siège, rien à faire. Je finis par céder et commander de l’eau plate. Je vous passe l’épisode où, servis par David (un autre prénom typique ?), nos voisins ont, eux, le privilège de boire de l’eau du robinet, je fais un scandale, Wendy engueule David en chinois, et finit par nous retirer nos bouteilles d’eau minérale (sans jamais les remplacer par ces fameux verres d’eau du robinet).

Réjouie par cet accueil chaleureux, je décide de marquer mon mécontentement en payant uniquement en petite monnaie – et quand je dis petite monnaie, je ne plaisante pas : uniquement des pièces de 50, 20, 10 et 2 pence. La réaction de Wendy ne se fait pas attendre. Elle arrive à notre table, alertée par les grands signes de Prince et mon sourire jusqu’aux oreilles, jette un coup d’oeil à la coupelle débordante de monnaie, et lance :
– Nous ne prenons pas les pièces de 2 pence.
– Le vendredi soir uniquement, ou c’est toujours comme ça ?

Notre serveuse a dû apprendre « Comment résoudre un conflit avec un client en dix leçons », car elle répète simplement, mais non moins agressivement :
– Nous ne prenons pas les pièces de 2 pence.
– Ah bon ? Pourquoi ? Ce n’est pas de l’argent ?

Wendy a beau grogner, elle finit par empocher 500 grammes de petite monnaie. Plutôt que de savourer cette petite victoire, nous préférons quitter rapidement les lieux : David vient de jeter nos manteaux sur la table, signe subtil s’il en est que notre présence n’est plus requise.

Finalement, c’est dommage qu’on n’ait pas testé les épinards au gingembre, parce qu’il y a peu de chances qu’on y retourne, à Delicious China.

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