La fête du sport

Jamais je ne me suis sentie autant en décalage avec mon pays d’accueil.

Il est 10 heures du matin, je patauge dans la gadoue en escarpins, et je suis censée m’enthousiasmer devant des mioches de 4 ans en train de faire « du saut en longueur ». Dans la boue.

Bienvenue au Sports Day.

Tout a commencé il y a quelques jours. Mes capacités d’anticipation étant proches de zéro (au bout de dix ans à Londres, je suis encore du genre à sortir sans parapluie), je n’avais prêté qu’une distraite attention (comprendre : aucune) à la ligne « juin : fête du sport, date à confirmer » dans le calendrier scolaire de MiniPrincesse, pourtant fièrement affiché sur le réfrigérateur familial. Il y a quelques jours donc, papotant avec une autre maman française lors de la récupération des enfants, j’ai donc appris avec stupeur que la présence des parents à la fête du sport (« Sports Day ») était O-BLI-GA-TOIRE. Pas obligatoire au sens « vous encourez amende et peine de prison en cas d’absence » (ces sanctions s’appliquant en cas d’absence des enfants hors vacances scolaires, mais c’est une autre histoire). Non, obligatoire au sens de « vous serez éternellement marqués du sceau du mauvais parent si vous n’assistez pas à cette grand-messe sportive qu’est la fête du sport de l’école anglaise ».

Et n’oublie pas de dire à ton mari de poser sa journée, complète Valérie, narquoise.

  Les pères viennent aussi ?!

Il est de notoriété publique que les pères, EUX, ont mieux à faire que de s’occuper de leurs mômes en semaine et ne s’absentent de leur travail qu’en cas d’événement majeur. La dernière fois que j’ai vu un père, d’ailleurs, c’était au concours d’entrée des enfants de trois ans.

  Hors de question que je me tape des courses en sac et des gamins en train de pleurer sous la pluie, décrète Prince, inébranlable. Mais libre à toi de te dévouer, ajoute-t-il, goguenard.

Vision prophétique s’il en est.

Le jour J

7h30 : je pars au bureau sous une pluie battante. C’est sûr, avec ce temps, ils vont annuler.

8h30 : aucune nouvelle de l’école.

8h45 : toujours aucun mail de l’école. C’est mauvais signe. La pluie, en revanche, est plus forte que jamais. Je pense au léger imperméable noir que j’ai fourré dans la sacoche de MiniPrincesse ce matin, en songeant qu’il ne fera pas le poids devant le déluge qui s’abat sur Londres.

9h30 : aucune envie de quitter mon bureau.

9h40 : si je ne pars dans deux minutes, je vais être en retard.

9h50 : je suis en retard.

10h10 : j’ai fini par localiser le stade local dans lequel, cela va sans dire, je n’avais bien évidemment jamais mis les pieds. Au loin, j’aperçois de nombreux êtres de petite taille, tous en imperméable noir. Vive l’uniforme anglais.  

10h13 : j’arrive juste à temps pour voir MiniPrincesse effectuer un saut en longueur triomphal dans la boue. Et juste à temps pour lui dire de remettre sa capuche.

10h15 : il y a des pères, c’est officiel. Un rapide calcul m’indique cependant que tous les parents de l’école ne sont pas présents, loin de là. Je me garderai bien sûr d’en informer Prince ce soir.

10h18 : « Remets ta capuche, MiniPrincesse » (troisième fois)

10h25 : l’emballement unanime devant un mystérieux relais àen cerceau me laisse perplexe. Je cherche la maman française.

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Au moins, elle a sa capuche

 

10h35 : Valérie m’adresse un clin d’œil complice devant les « You’re the best ! » et autres « Come on, you can do better than that (allez, tu peux faire mieux que ça ! ») du couple (oui, les deux sont là) à côté de nous.

10h50 : « Remets ta capuche, MiniPrincesse » (dix-huitième fois)

11h : pause pipi. J’observe avec une admiration non dissimulée la maîtresse de MiniPrincesse emmener aux toilettes une trentaine d’enfants trempés jusqu’aux os (mais MiniPrincesse a encore sur le crâne quelques cheveux secs).

11h10 : la pluie est plus forte que jamais. Je pars à la recherche de la directrice pour voir s’il y a moyen de négocier de ramener MiniPrincesse à la maison à midi, comme semblent l’indiquer certaines rumeurs (principalement diffusées par les parents étrangers).

11h12 : je me vois opposer une fin de non-recevoir par la directrice. Je crois qu’elle n’a même pas compris pourquoi la question se posait.

11h45 : succession de courses autour du stade, par groupes de quatre. Les pères se voient offrir le beau rôle, à savoir la distribution de médailles. MiniPrincesse arrive systématiquement quatrième. Je n’en verse pas moins une petite larme (ou peut-être est-ce le vent qui me fait pleurer) en la voyant courir à toutes (petites) jambes.

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11h50 : je repense au bon vieux temps où c’était moi qui enchaînais péniblement les tours de stade. Sans une opportune dispense médicale, je crois bien que le sport m’aurait coûté ma mention très bien au bac.

12h05 : le papa d’un petit camarade de classe de MiniPrincesse me demande si elle fait partie de l’équipe des rouges ou de l’équipe des verts. Je ne savais pas qu’il y avait des équipes.

12h30 : fin des festivités pour la matinée. Les gamins qui ne se sont pas goinfrés de chips et de beignets (en libre-service toute la matinée) déballent avec entrain leur pique-nique. Les parents profitent d’une légère accalmie (traduire : le déluge s’est transformé en crachin) pour sortir la sempiternelle couverture de pique-nique et le panier qui va avec. Je rejoins MiniPrincesse pour un agréable casse-croûte champêtre.

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Vision bucolique

 

12h50 : je vois avec inquiétude un groupe de mamans se rapprocher de moi pour savoir si je participerai à la course en sacs des mamans (suivie, bien sûr, de la course des papas, de celle des grands-parents et de celle des tout-petits)

12h52 : une urgence au bureau. Je fais des adieux précipités à MiniPrincesse et traîne pour la dernière fois mes escarpins dans la gadoue.

Il paraît que c’est l’équipe des jaunes qui a gagné.

Je ne savais même pas qu’il y avait une équipe des jaunes.

Les anglicismes de ma fille

Nous croyions qu’il faudrait un an à MiniPrincesse pour parler couramment anglais ; il lui a suffi de trois mois pour oublier son français. Nos échanges me laissent l’impression troublante et néanmoins de plus en plus nette de m’adresser à une touriste anglaise de passage chez nous. Morceaux choisis d’une après-midi typique, en commençant par la récupération à la sortie de l’école.

– Bonsoir ma chérie, tu as passé une bonne journée ?

Cette subtile formulation s’inscrit dans ma nouvelle stratégie du « ni-ni » : elle me permet en effet de ne demander à MiniPrincesse ni si elle a bien travaillé (typiquement français), ni si elle s’est bien amusée (typiquement britannique).
– Oui Maman, on a répété l’assembly !
– Ah, oui, votre spectacle de la semaine prochaine. Formidable (prendre l’air enthousiaste) ! Qu’allez-vous y jouer ?
– On va y chanter [nom de chanson incompréhensible]
– Ah oui ?
– Tu connais, Maman ?

– Euh, non, pas du tout. Tu sais, ma douce, je ne connais pas de chanson anglaise, je suis française, moi.

Fait que MiniPrincesse ne risque pas d’oublier, étant donné que je lui rappelle deux à trois fois par jour en moyenne.

– Ce n’est pas grave, Maman, je t’apprendrai (chouette). Et on a reçu la visite des Prefects de Year 6 aussi. Dis Maman, est-ce que Sophie pourra venir faire une playdate chez nous aujourd’hui ?
– Ma chérie, pour inviter ton amie à jouer à la maison ça va être un peu juste, mais on pourra l’inviter pour demain, si tu veux.
Yay ! Tu sais, Sophie, elle est le même âge que moi.
– On dit youpi, en français, ma puce, et on dit aussi « elle A le même âge que moi ».

Comme rabat-joie, je me pose là. Toute à mes corrections linguistiques, j’en oublie, et c’est bien pratique, de chercher une traduction à Prefects (sorte de super-délégués) et de Year 6 (l’équivalent du CM2).
Un peu plus tard, au goûter :
– Tenez, les enfants, du pain et du chocolat !

Histoire de servir aux héritiers non seulement un goûter typiquement français, mais en plus tout droit sorti des années 1980. MiniPrince ne proteste pas, se jetant allègrement sur toute chose un tant soit peu comestible. MiniPrincesse, elle, fait la fine bouche :
Yuck !
– On dit « beurk », en français, MiniPrincesse, seriné-je d’un ton las. Et on ne dit pas « beurk », on goûte.
– Mais Maman, ça ne regarde pas bon.
Interloquée, je dévisage ma fille :
– Qu’est-ce que tu racontes, MiniPrincesse ?
– Ca ne regarde pas bon, Maman, répète-t-elle, outrée.
Je mets quelques secondes à comprendre.
– Tu veux dire que ça n’a pas l’air bon ?
MiniPrincesse, sans se laisser démonter :

– Oui, c’est ça ! Je voudrais des biscuits, s’il te plaît. On a des Bourbon Cream ? Oh, je ne peux pas attendre pour mon anniversaire, tu m’as promis qu’il y aurait plein de biscuits !

Réprimant un certain agacement, je persiste à reformuler :- Oui, je suis sûre que tu as hâte de fêter ton anniversaire. En attendant, mange ton pain, ou ton chocolat, ou les deux, comme tu veux.
MiniPrincesse, soudain inspirée, lance sans transition :
– Maman, tu crois que je pourrais avoir un chaton, comme T’choupi, pour mon anniversaire ?

Emue par cette référence si représentative de la grande littérature francophone, je vacille un instant.
– Allez, Maman, je te promets que je regarderai bien après lui !
Moi, dans un soupir :
– Je suis sûre que tu en prendras grand soin. Après le goûter, on ira lire quelques livres en français, hein, MiniPrincesse ?

Moi qui abhorre les anglicismes, je sens que je vais être servie.

Le doux pays de mon enfance

J’ai longtemps cru Londres semblable à Paris. Lorsque nous avions des amis de passage, je grommelais volontiers, d’un ton désinvolte : « On n’est pas trop dépaysés, quand même ».

Etonnamment, c’est au bout d’une décennie (ou presque) d’expatriation que le sentiment d’étrangeté se fait de plus en plus nettement sentir.
Surtout lors de mes retours à Paris.

A ma descente de l’Eurostar, que je connais désormais comme ma poche (éviter la voiture 16, toujours pleine, lui préférer la 17, voire la 18, soi-disant réservée aux familles mais en réalité souvent vide), me frappent une multitude de détails, comme un tableau impressionniste dont je ne saurais dire s’il est beau ou laid.

Il fait froid. Pas le froid londonien un peu mou, l’éternel 11 degrés automne comme hiver, non, un vrai froid, celui qui nécessite des gants, un bonnet, voire une cagoule pour les enfants, accessoire inconnu des petits Britanniques.

Cagoule

Hein que ça a l’air confortable !

Ou alors, il fait chaud. Vraiment chaud. Pas la chaleur londonienne un peu hésitante, l’éternel 17 degrés printemps comme été, non, une vraie chaleur, qui nécessite une petite jupe, des sandales ouvertes, voire une robe d’été, vêtement bien connu des petites Britanniques, qui en portent sans paraître souffrir des 17 degrés.

Un père accueille son fils d’une affectueuse bourrade et d’un tonitruant « How are you, fiston ? ». J’ai mal à mon pays dont les enfants – moi la première – quittent le navire à la recherche d’un boulot, d’une ville plus dynamique – combien de fois ai-je entendu « Bien sûr, j’adore la France, mais je ne me vois pas du tout rentrer », d’un ailleurs anglo-saxon ô combien accessible et tellement branché.

J’évite les taxis (chat échaudé craint l’eau froid) et me dirige vers le métro, avec l’impression de sillonner entre les mendiants et les SDF. Les gens se bousculent sans dire pardon. Je rentre enfin dans le métro – sale, malodorant et bondé – et un jeune homme blond, plutôt mignon, bien sous tous rapports, me regarde. Je suis si déshabituée de ces regards que je me demande si mon sac / mon chemisier / mon pantalon est ouvert. Non. Pour une raison qui m’échappe, il cède la place à un autre jeune homme au look très « banlieue ». Amateurs de clichés, vous allez être servis. A peine assis, l’intéressé dégaine son téléphone et marmonne « Ouais, frère, j’ai pas répondu au téléphone, j’étais en garde à vue. Ouais, depuis jeudi, la police elle m’a arrêté. Pourquoi ? Ben, parce que j’ai frappé un mec ».

(sic)

Tout en faisant semblant de ne rien entendre, je m’éloigne un peu – réflexe de survie ? – me rapprochant imperceptiblement du jeune homme qui doit être en train de se féliciter d’avoir proposé sa place à notre voyou de voisin.

Arrêt suivant. Les portes s’ouvrent, et un homme crache dans l’intervalle entre la rame et le quai, comme s’il n’y avait rien de plus naturel. Mon dégoût ne semble rencontrer que l’indifférence du reste du wagon.
Et puis.

Sur le quai, j’aperçois des affiches pour des pièces de théatre ultra-pointues, des expositions, du vaudeville. Des films avec des stars dont je connais encore les noms, et d’autres qui ne m’évoquent rien, puisqu’elles ont dû accéder à la célébrité au cours des dix dernières années. Des publicités pour Décathlon, Picard et Monoprix.

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Je sors du métro et arpente les rues, dévorant du regard bistrots pleins malgré la peur des attentats, les pharmacies où l’on peut se gorger de médicaments qui n’existent même pas en Angleterre, les petites boutiques indépendantes.

Je me noie dans les beaux yeux du boulanger passionné qui me présente avec fougue « son » pain aux noix, « son » pain au kamut et « sa » brioche aux pralines. Je finis par tout lui acheter, et il m’offre un pain au cacao cru et baies roses pour me remercier.

Les gens ont l’air français. C’est peut-être les chaussures bateau, les petits foulards au cou des femmes, une certaine suffisance, que sais-je.
Je suis chez moi.

A la naissance, c’est déjà trop tard (ou le souvenir de l’inscription de MiniPrincesse à l’école anglaise)

9h35 du matin, un lundi. Il pleut. Votre nourrisson s’époumonne. Prise d’une soudaine inspiration, vous appelez, pleine d’espoir, THE école. L’école de quartier ? Que nenni, ma bonne dame ! L’école de quartier, c’est pour les pauvres, les catholiques, et les étrangers (voire les trois à la fois).

THE école, l’école sur laquelle vous avez jeté votre dévolu, n’est donc – sauf rare exception – pas l’école de quartier. Il s’agit d’une école dont on vous a dit le plus grand bien, un peu loin / chère / snob (voire les trois à la fois), mais teeeeeeeeellement réputée. Celle qui amènera votre progéniture à Oxford, Polytechnique ou Harvard (voire les trois à la fois).

Votre bébé crie de plus belle, vous tirant de vos rêves de grande réussite par procuration. Enfin, quelqu’un décroche.

– Allô ? (voix de cerbère mal embouché)

– Bonjour Madame, je vous appelle pour une place pour ma fille.

Le cerbère pouffe théâtralement :

– Quel âge a votre fille ?

– Sept mois, Madame.

(Eclat de rire méprisant) : – Sept mois ? Ah, je suis vraiment confuse (tu parles), mais nous sommes déjà complets pour une entrée en 2019. Nous conseillons vivement aux parents d’inscrire leurs enfants dès la naissance. J’imagine que cela ne vous a pas été possible ? ajoute-t-elle d’une voix doucereuse.

(Prise de conscience paniquée) : – Ah ? Mais… elle n’a que sept mois ? Comment donc puis-je m’y prendre trop tard ?

La responsable des inscriptions, narquoise :

– C’est que notre école est trèèèès prisée, Madame. En plus, votre fille étant née en juillet, ce n’est vraiment pas de chance, elle passe d’office après tous les enfants nés entre septembre et juin. Par ailleurs, nous avons reçu énormément de dossiers de frères et sœurs cette année, or les fratries ont systématiquement priorité, sauf cas exceptionnel bien sûr, vous n’êtes pas sans le savoir.

Vous êtes clairement sans le savoir. Vous raccrochez, abattue, après que le cerbère vous a asséné le coup de grâce :

– Si vous le souhaitez, Madame, nous vous invitons à remplir un dossier d’inscription (et à régler les 100 livres de frais) pour être placée sur liste d’attente ?

Tu parles d’un baptême du feu. Bienvenue dans le système éducatif britannique !

L’heure du choix (ou les premiers pas en école anglaise)

Trois ans d’insomnies passées à imaginer le pire : que MiniPrincesse n’ait pas de place au Lycée Francais de Londres.

Trois ans passés à échafauder les stratagèmes les plus abracadabrants : déménager à l’autre bout de Londres, devenir bibliothécaire au Lycee Francais afin que MiniPrincesse ait priorité en tant que fille d’employée, voire rentrer en France quelques semaines afin de plaider la continuité de l’enseignement.

– Sinon, si tu tiens tant à l enseignement en francais, je connais un endroit où on a des places en école francaise sans problème : la France, lance mon père, l’air de ne pas y toucher.

Malheureusement, Prince demeurant imperturbablement allergique « aux grèves, au Minitel et aux Parisiens qui te bousculent dans le métro » (sic), le retour à ma mère patrie n’est pas (encore ?) d’actualité.
Bref.

Trois ans passés à me triturer les méninges et à me torturer le coeur, et au final… nous avons eu une place au Lycée Francais.
Un été passé à nous triturer les méninges et à nous torturer le coeur, et au final… nous l’avons refusée.

MiniPrincesse fréquente désormais l’école anglaise.

Je ne m’étendrai sur les raisons de notre choix. Chaque situation étant éminemment personnelle, je ne prétends d’ailleurs pas avoir effectué LE bon choix. Simplement le choix qui nous semblait le plus juste (pour MiniPrincesse, plutôt que pour moi).

MiniPrincesse, donc, a fait ses premiers pas en école britannique. Elle a tout d’abord été enchantée à l’idee de comprendre enfin ce qui se tramait autour d’elle ; pour preuve, s’il en fallait, nous l’avons même entendu marmonner dans sa barbe « C’est bien, ils ont choisi l’école anglaise ». Du haut de ses quatre ans, elle n’avait pas perdu une miette de nos tergiversations.

Le bilan, à l’approche des vacances de la Toussaint, pardon, du half-term ?

A part les crises d’hystérie pour ne pas aller à l’école le matin parce que « c’est trop z’embêtant », les réveils en larmes à deux heures du matin parce que « il y a des monstres et c’est pas juste, QUAND MEME » et les tabassages enthousiastes avec son frère « parce que », la rentrée de MiniPrincesse se déroule pour le mieux.

Bastonnade en uniforme

Bastonnade en uniforme (sous couvert de jouer au docteur)

Je ne manquerai pas de vous tenir au courant de l’évolution de la situation.

Impertinente chronique d’une expatriée en vacances

Gloups.

Croyez-le ou non, chers lecteurs, cela fera cette année neuf ans que j’ai quitté la France (NEUF ans ! « Oh là là ! » comme se plaisent à dire les Anglais chics)
Je fais partie de ces expatriés qui s’obstinent à dire qu’ils « rentrent » en France pour les vacances (plutôt que d’y « aller », indice d’une parfaite intégration) et à se défendent ardemment de toute anglophilie. Partis, mais pas complètement quand même.

Comme moi. Indécrottable chauvine j’étais, indécrottable chauvine je resterai.

Et pourtant.

A chaque séjour en France, j’ai un peu plus de mal à retrouver mes marques. Je suis bien « chez moi », et pourtant, c’est comme si la maison avait été un peu dérangée, et les meubles déplacés, en mon absence.  Comme si les choses ne correspondaient plus à l’idée que je m’en faisais. Une sensation qui me laisse troublée, contrariée et désolée à la fois.

Tout simplement suis-je sans doute partie depuis trop longtemps. Il y a des signes qui ne trompent pas. En effet, en vacances, l’expatrié parti-mais-pas-complètement-quand-même…

1.    Ronchonne de trouver les commerces fermés à 20h et le dimanche… mais s’extasie de pouvoir encore s’approvisionner auprès du boucher, du poissonnier et du maraîcher

2.    S’attable avec plaisir à la crêperie la plus populaire du coin… pour se faire accueillir d’un sec et sans appel «va falloir déplacer votre poussette Madame, et j’vous préviens, y’a 20 minutes d’attente, on a trop de monde ». Qu’à cela ne tienne, il quitte les lieux, histoire de faire de la place

Glace a la fraise pour enfants

On se console comme on peut

3.    Se réjouit de voir sa progéniture retrouver un français correct, voire idiomatique… avant de remarquer l’apparition rapide et non moins pernicieuse d’expressions telles que « ça va être compliqué », « bon courage » et autres « le problème, c’est que… ». De son côté, habitué à la familiarité anglo-saxonne, il réserve un bon bistrot au nom de « Patrick » (son prénom) pour s’y faire accueillir d’un sonore « Bonsoir, Monsieur Patrick ! »

4.    S’extasie devant les appétissants produits sur les étals du marché… avant de se faire admonester par le vendeur qui « ne prend pas la carte bleue Madame, mais il y a un distributeur à 10 minutes à pied en sortant du marché si vous voulez »

5.    S’indigne devant les chaotiques pseudo-queues qui poussent au vice, ou tout au moins à doubler furtivement ses voisins… et les imite illico sans vergogne

6.    Va quand même au supermarché pour se ravitailler en pinard, beurre demi-sel et autres saucissons, avant de se faire morigéner à la caisse car il a oublié de peser les fruits et légumes (finalement, c’est quand même plus simple de les acheter au supermarché, d’ailleurs le maraîcher était fermé entre midi et deux). Il tente de faire amende honorable en expliquant à la caissière et aux gens qui s’impatientent derrière lui que là où il habite, la pesée s’effectue en caisse. Avant de se raviser, sous les regards courroucés, et d’abandonner là ses fruits et légumes. De toute manière, avec tout ça, le maraîcher va bientôt rouvrir.

7.    S’agace à son tour lorsque « l’hôtesse de caisse » (apparemment c’est comme ça que ça se dit maintenant, il a eu tout le loisir d’examiner le badge) lui indique que « non, Monsieur, l’enseigne ne distribue plus de sacs plastiques depuis plusieurs années maintenant ». Il règle et s’éloigne en maugréant, les bras chargés de vin, de beurre et de saucisson.

8.    Optimiste comme un Anglais, il se félicite de n’avoir fait tomber que le saucisson, et pas la bouteille de pinard.

9.    Tout d’abord décontenancé de voir sa famille / ses amis passer l’essentiel de la journée à préparer les repas, et l’essentiel des repas à évoquer avec délices ce qu’on pourrait cuisiner au repas suivant, il prend vite le pli et enjoint à sa mère de lui mitonner le bœuf bourguignon / la blanquette de veau / le pot-au-feu de son enfance. Il fait 34 degrés à l’ombre ? Aucune importance, les souvenirs n’attendent pas.

10.    Béat d’admiration devant les majestueux paysages de montagne / splendides côtes bretonnes / paisibles clairières où s’ébattent ses enfants, il se prend à rêver du retour en France… avant que la réalité – sa maison, son travail qui l’attend, ses amis comme lui expatrié-partis-mais-pas-complètement qu’il a d’ailleurs retrouvés pour un dîner à l’île de Ré – ne se rappelle à lui. Le retour en France, ce sera pour un peu plus tard…

Vacances au soleil...

Comment rentrer dans la meilleure école primaire de Londres (?) – épilogue

Si j’avais encore des doutes, la présence de, non pas un, mais PLUSIEURS pères dans la salle d’attente me confirme que THE entretien est bien un évènement crucial dans la courte vie de notre progéniture.

Un rapide coup d’œil aux mères, et je me sens à peu près autant à ma place qu’un éléphant dans un magasin de porcelaine.

Je n’ai pas de manucure.

Pas de manteau hors de prix.

Pas de Ugg.

– Maman, pourquoi tous les enfants ont les cheveux jaunes ? m’interroge bien fort MiniPrincesse, me tirant de ma rêverie. Heureusement que – presque – personne autour de nous n’a l’air de parler français.

Et force est de constater qu’elle a raison. Nous sommes cernées par une armée de blondinets bon teint. Il va falloir jouer serré.

– Ma fille ne se sent pas très bien, confié-je à l’enseignante qui vient chercher MiniPrincesse pour THE entretien, quémandant un peu d’indulgence pour ma pauvre petite fille même pas blonde.

– Pas de problème, ne vous inquiétez pas, me rétorque-elle du tac au tac, tout sourire, son regard me traduisant clairement « Si on n’en veut pas, de ta fille, on n’en veut pas, pas la peine d’essayer de lui trouver des excuses ».

– Ah, et elle ne parle pas très bien anglais… y a-t-il quelqu’un qui parle français, par hasard ?

Pro jusqu’au bout des ongles, l’enseignante répond simplement :

– Je suis sûre que ça va bien se passer, ne vous inquiétez pas (traduire : (« Y a pas marqué Lycée Français, ici »)

Ah, l’art britannique de la conversation.

Elle se penche vers MiniPrincesse, et lui demande en anglais :

– How old are you, MiniPrincess ?

MiniPrincesse, en confiance :

– Yes.

C’est pas gagné, cette affaire. L’angoisse m’étreint lorsque je vois disparaître MiniPrincesse au milieu de la ribambelle de blondinets.

Quarante-cinq pénibles et longues minutes de small talk plus tard (« Moi, je me suis arrêtée de travailler pour me consacrer entièrement à ma fille, c’est teeeeeeellement épanouissant », etc.), MiniPrincesse réapparaît.

– Ma chérie ! Alors, tu as bien joué ? Qu’est-ce que tu as fait ?

Elle, fiérote :

– J’ai fait pipi !

– Ah. Mais encore ?

– Euh… je me suis lavé les mains !

– D’accord. Et quoi d’autre ?

– Euh… rien.

Merveilleux. Ça valait le coup de payer les 50 livres de frais d’inscription.

Un peu plus tard, dans la voiture :

– Maman, tu sais, il y a une dame qui m’a montré quelque chose à l’école de grands.

Moi, toute ouïe :

– Oui, ma chérie ? Qu’est-ce que c’était ?

– Des dinosaures.

Moi, la mort dans l’âme, mais comme si de rien n’était :

– Ah ? Et tu connaissais leurs noms ?

– Ben non, Maman, pourquoi ?

Il n’y a plus qu’à espérer que le Lycée Français fasse une petite place à MiniPrincesse.

Le Graal de l'education en Angleterre ?

Comment rentrer dans la meilleure école primaire de Londres (?)

Tel un animal de foire, voici notre fille MiniPrincesse, trois ans tout juste, revêtue de ses plus beaux atours pour THE entretien.

L’entretien de sélection d’entrée à l’école primaire (qui ici commence à quatre ans, il faut suivre).

L’entretien dont, si nous étions de vrais Anglais, nous saurions qu’ici se joue tout l’avenir de notre fille.

J’exagère ? A peine.

Le raisonnement est simple comme bonjour.

Vous souhaitez donner à votre enfant les meilleures chances dans la vie de citoyen britannique ?

Vous voulez donc que votre enfant fasse Oxford ou Cambridge , sa majorité venue ?

Alors, il existe pour ainsi dire UNE route. Ou, devrais-je plutôt dire, une autoroute.

Cette autoroute commence à la naissance – inscription dans THE crèche/maternelle qui préparera la prunelle de vos yeux à l’examen d’entrée à THE école primaire bon teint, qui elle-même chantera les louanges de votre enfant afin de le faire entrer dans THE secondaire qu’il faut (pour plus de détails, me contacter, je suis désormais capable d’écrire une somme sur le sujet)

Une autoroute donc, avec plusieurs sorties mais peu de points d’entrée.

Et à supposer que vous ayez les moyens de régler le péage :

– 15 000 à 20 000 livres par an, que dis-je, jusqu’à 30 000 pour les meilleurs établissements (comment donc croyez-vous que Kate Middleton a reussi a mettre le grappin sur le futur roi d’Angleterre ?)

– à multiplier par les années ou vous souhaitez envoyer votre enfant à l’école

– et à multiplier par le nombre d’enfants à qui vous souhaitez offrir la chance de fréquenter la crème de la crème (en français dans le texte)

– ne pas oublier les petits frais tels que cours particuliers intensifs (non inclus), uniforme, séances de polo et autres invitations au bal des débutantes.

Ami lecteur, si vous n’êtes pas millionnaire… passez votre chemin.

Passer mon chemin, c’est justement ce que je me dis que j’aurais dû faire, en ce pluvieux mardi matin ou ma fille, d’ordinaire si boute-en-train, me dévisage avec un air de chien battu (et mouillé).

J’ai eu beau évoquer THE entretien d’un ton badin (« Je vais t’emmener jouer dans une école de grands, tu verras, tu vas bien t’amuser »), ma fille ne s’en laisse pas conter. Fine mouche, il ne lui a pas échappé que, si Maman s’est absentée du travail pour l’emmener « jouer », il y a baleine sous caillou.

– Tu vas rester jouer avec moi, Maman ?

– Euh… non, ma chérie, c’est un jeu réservé aux enfants, je resterai un peu a l’écart pendant ce temps.

Autant avouer qu’en termes de préparation, Prince et moi nous posons là. Il se murmure que THE examen comporte des questions éliminatoires sur les noms des différents dinosaures. Balivernes, avons-nous pensé, balayant ces ridicules rumeurs. Et puis, quand bien même, souligne à juste titre mon époux, si notre fille connait le mot anglais pour « diplodocus » et pas « rectangle », ça risque d’éveiller les soupçons.

En guise de préparation, nous faisons donc réviser à MiniPrincesse les cinq mots d’anglais qu’elle connaît.

Ah, l’ambiguïté du parent immigré désorganisé et toujours pas sûr de vouloir véritablement s’intégrer dans son pays d’adoption.

Allez, je prends mon courage à deux mains, ma fille qui chouine dans les bras, et pénètre dans l’imposant bâtiment victorien.

Suite et fin demain !

Mon ami Denver

Comment choisir une école à Londres (ou l’impénétrable jungle de l’enseignement britannique)

MiniPrincesse n’avait pas sept mois lorsque Prince et moi avons réalisé que nous avions gâché son avenir.

Légère exagération, me soufflez-vous ? Que nenni.

Quelle erreur, quelle bévue, quelle bourde avions-nous commise, nous, jeunes parents dévoués corps et âme au bien-être de notre fille ? MiniPrincesse mangeait bio, dormait tout son saoûl et nous nous tenions à sa disposition jour et nuit (avec une préférence marquée pour le jour quand même) pour jouer avec elle à divers jeux éducatifs et particulièrement soporifiques (« On construit une tour ? Oh, la tour est tombée ! Allez, on la reconstruit ? », etc.).

Mais…

Nous avions omis de l’inscrire DES LA NAISSANCE dans une école privée choisie avec soin et attention.

Si vous n’êtes pas au fait de la jungle que représente l’école primaire en Angleterre, ou plus précisément à Londres, voici quelques éléments d’explication :

– En Angleterre, les enfants entrent à l’école primaire à quatre ans – oui, quatre ans, plus tôt que partout ailleurs dans le monde à ma connaissance – et y apprennent à lire et à écrire. Quatre ans, n’est ce pas un chouïa tôt pour l’apprentissage de la lecture, vous interrogez-vous ? Bien sûr que non ! En Angleterre, ma bonne dame, il n’est jamais trop tôt pour pousser son enfant apprendre à lire. Il est même de bon ton de commencer dès la maternelle.

Alphablocks, ou comment apprendre à lire à votre enfant en le plantant devant la télé (et hop, tout le monde est content)

Alphablocks, ou comment apprendre à lire à votre enfant en le plantant devant la télé (et hop, tout le monde est content)

– Ah, la maternelle existe donc ? Réduite à peau de chagrin elle va traditionnellement de deux ans à quatre ans. L’Etat, dans son immense mansuétude, offre même 15 heures gratuites dès les trois ans révolus de l’enfant. Vous travaillez à plein temps et êtes donc dans l’obligation de caser votre marmaille quelque part pour les 25 heures qui restent ? Ah, c’est pas de chance. Enfin, à dix livres net de l’heure la nounou et sans la moindre autre subside, l’Etat vous fait confiance pour dénicher les 2 000 et quelques livres qui restent. Sinon, vous pouvez toujours faire comme vos voisines et arrêter de travailler. Financièrement, ce sera plus simple.

– Il manque beaucoup de places en école primaire publique à Londres. Beaucoup. La pénurie se chiffrerait en dizaines de milliers, clament même les tabloïds mal intentionnés.

– Jeunes parents désireux de placer votre enfant sur l’échelle sociale britannique de bien faire, vous louez déjà bien au-dessus de vos moyens pour être dans la catchment area (l’équivalent de notre carte scolaire) d’une école notée – on peut rêver – « Outstanding » (Exceptionnel) par l’organisme officiel Ofsted (qui est aux écoles ce que le guide Michelin est aux restaurants) ou simplement « Good » (Bon). Ou alors, vous vous êtes endettés sur treize générations pour acheter cette vieille bicoque à retaper pour vous assurer que vous serez suffisamment près de l’école – 150 mètres, mais vous n’y pensez pas, c’est bien trop loin ! – pour que votre enfant fasse partie des heureux élus.

Lorsqu'une école a atteint le Graal (l'Outstanding), elle ne manque pas de vous le faire savoir

Lorsqu’une école a atteint le Graal (l’Outstanding), elle ne manque pas de vous le faire savoir

Las ! Ofsted a révisé son jugement à la baisse. L’Ecole de vos rêves, le Graal, a dégringolé au grade de « Satisfactory » (Satisfaisant) voire – Heaven forbid – Inadequate.  Pris de panique, vous passez en revue les différentes possibilités.

– L’école catholique outstanding au coin de la rue ? Il y a un formulaire de présence à signer (sic) toutes les semaines (re-sic) pour permettre au prêtre de confirmer que vous êtes bien un catholique pur jus. Véridique. De quoi en rebuter plus d’un. Cependant, la perspective d’une éducation « nec plus ultra » (les statistiques étant consultables en ligne, je sais par exemple que la nôtre, d’école catholique, est classée 78ème sur 15 000 au niveau national) et gratuite (oui oui) continue de faire rêver le parent middle class. Il se murmure même que certaines conversions ne seraient pas complètement dénuées d’arrière-pensées.

– Pour les gens naïfs intègres et les athées, il reste donc la jungle, alias l’univers impitoyable des écoles privées. Il y en a pour tous les goûts : les « academic », les « sporty », les « old-fashioned »… ce qu’elles ont en commun, en revanche, c’est le prix. Entre 12 000 et 15 000 livres l’année. Non content de dépenser l’équivalent d’une demi-nounou supplémentaire (pas d’allocation de l’Etat, je répète, pas d’allocation de l’Etat), vous, parent, avez donc la lourde charge de choisir l’établissement qui conviendra le mieux à la personnalité de votre enfant (qui, je vous le rappelle, est âgé de quelques semaines tout au plus). La plupart accordant la priorité au premier inscrit (ce sera 50 livres l’inscription, merci, ça vous évitera d’inscrire MiniPrincesse partout sans réfléchir), vous arrivez trop tard partout.

Et comme si ça ne suffisait pas, il y a un entretien de sélection. Oui, à trois ans, parfaitement.

MiniPrincesse, votre correspondante envoyée spéciale au pays des parents fous, y est allée.

PS : pour les parents concernés, voici ce site très bien fait et un extrait des fameux Alphablocks