Comment rencontrer le Prince charmant (5) : du bonheur, il n’y a rien à dire ?

Force est de reconnaître qu’il y a un soupçon de vrai dans ce proverbe. Je passerai donc sur les 36 heures qui suivent l’abdication de Prince : nous nous regardons dans le blanc des yeux, nous dégoulinons de bonheur, nous sourions béatement, bref, la vie c’est beau et personne n’a jamais été aussi heureux que nous. D’autres l’ont écrit – et chanté – mieux que moi.

Seulement voilà : ce déluge de félicité n’était pas tout à fait au programme. Ben non, moi je voulais juste m’amuser un petit peu, vous vous souvenez ?

Me mettent la puce à l’oreille :
– le déjeuner ou il déblatère allègrement sur sa sœur qui chante mal et le bat en maths… et que ca m’intéresse
– le dîner de groupe auquel il rapplique, tout essoufflé, avec trois quarts d’heure de retard… et que son arrivée me rend beaucoup plus heureuse que le goulasch que j’ai sous le nez (ce qui va complètement à l’encontre de mes priorités habituelles)
– l’envie que j’ai d’être avec lui tout le temps… et qui ne semble pas passer.

Du coup, je suis bien embêtée, parce que mon nouveau Prince, il repart dans moins de deux jours. Je me rends à l’évidence : je suis en train de tomber amoureuse à la vitesse de la lumière. Cela va à l’encontre de tous mes principes : garder le contrôle de la situation quelle qu’elle soit, faire preuve de prudence pour ne pas rebriser mon petit cœur (la colle appliquée pendant les trois mois à Varsovie, essentiellement sous forme de vodka, n’a même pas eu le temps de sécher), et ne pas m’attacher à des Princes inatteignables, déjà pris ou incapables de s’engager.

Mais la romantique en moi se réveille (d’aucuns diraient qu’elle ne s’était pas endormie bien longtemps) : un bonheur comme ça, ça ne se loupe pas !
L’hédoniste en moi rajoute : on ne vit qu’une fois ! Profites-en ! Vis à fond !
Et le bulldozer en moi susurre : « Fais-lui une petite déclaration, qu’on rigole un peu ».

La veille du grand départ, dans le cadre ultra-romantique du Pizza Hut de Varsovie, je lance donc à Prince avec l’air de ne pas y toucher :
– Et si on se revoyait ?
– ?
– Ben oui, après l’échange…

Mine soucieuse de Prince. Il réfléchit quelques secondes :
– Non, ca ne me parait pas être une bonne idée. On avait dit que c’était juste pour quelques jours.
Bien maligne, de lui avoir exposé des idées pareilles. Retour à l’envoyeur.
– Mais… on est bien tous les deux ! Ca serait quand même dommage de s’arrêter là, non ?
La petite moue de Prince en dit long (« dommage, dommage… oui, enfin pas tant que ça »). Pour être sûr que j’ai bien compris le message, il ajoute quand même :
– Je pense qu’on ferait mieux de ne pas se revoir. Il est encore temps, on n’est pas encore trop attachés l’un à l’autre.

En désespoir de cause (toujours très attirant, le désespoir), je m’écrie :
– Eh bien si, moi je tiens déjà à toi ! Pour moi, c’est trop tard !

Le couperet tombe :
– Pas pour moi.

Et moi de sangloter piteusement dans ma pizza quatre fromages, histoire d’achever de convaincre Prince de détaler à toutes jambes.

Merci Camille pour cette belle vignette (euh… c’est comme ça qu’on dit quand y a plein de dessins à la suite ?) !

Si les dessins de Camille vous plaisent, n’hésitez pas à aller voir ses magnifiques aquarelles, cartes et tutti quanti sur son site http://www.graindesel.biz/.

Comment rencontrer le Prince charmant (4) : le plan tactique en action

Bulldozer est contrariée : malgré la recette magique « grand sourire + chocolat chaud », Prince n’a rien voulu entendre. Cinq jours à batifoler à Varsovie, très peu pour lui. Il a d’autres chats à fouetter. Je m’en trouve profondément irritée.

Toujours flanquée de mon « invité », Guillaume, je retourne le problème dans tous les sens pendant une glaciale journée passée à visiter Cracovie. Un beau Hongrois, cinq jours pour en profiter (enfin, plus que quatre, et au rythme auquel Bulldozer avance, on n’est pas rendus) : qu’est-ce qui cloche dans la proposition ? 

Au retour à la résidence, je me précipite dans la chambre de Prince, qui y dîne tranquillement avec l’un de nos amis communs. Sans me laisser abattre par la présence de ce troisième larron, je passe la soirée à sortir des âneries plus ahurissantes les unes que les autres. Un vrai best of d’Eva in London. Tout y passe, y compris mes anecdotes les plus inattendues sur de précédents prétendants au trône.

Etonnamment, Prince ne me tombe pas dans les bras à l’issue de cette soirée. En revanche, je note une recrudescence du nombre de regards paniqués.

Le lendemain soir, après un déjeuner en tête-à-tête mais presque entièrement silencieux, et un cours passé à côté de Prince à dessiner de petits cœurs sur ma feuille en espérant qu’il capte le message subliminal, je me rends à l’évidence : Bulldozer a échoué. Place à Bull-lover, un Bulldozer d’acier dans un gant de velours.

Je débarque donc pour la deuxième fois en 24 heures dans la chambre de Prince, mais cette fois – ah ah ! – sous un prétexte fallacieux qui, je n’en doute pas, ne manquera pas de le berner :

 – Euh… je peux utiliser Internet, s’il te plaît ? Mon ordinateur est tombé en panne (trop de parties de Solitaire ?)

Attendri par tant de naïveté, ou simplement découragé devant un tel acharnement, Prince abdique quelques minutes plus tard. A moi, les fastes de la vie de la cour.

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Comment rencontrer le Prince charmant (3) : le lendemain

Le lendemain, je me réveille le sourire aux lèvres, un peu hébétée sous le coup de l’alcool et de la jolie soirée passée avec mon petit Hongrois.
Puis le doute m’assaille.

Ca garçon que je n’appelle pas encore Prince, mais dont je ne sais pas prononcer le prénom correctement et encore moins l’épeler, ce Prince-en-devenir aurait-il osé résister à l’un de mes caprices, deux heures après notre premier baiser ?

Je tente de dissiper la brume vodkaesque qui fait obstacle à mes souvenirs. Je ne sais plus bien ce que j’ai dit, ou plutôt ce que j’ai exigé, mais une chose est sûre : lorsque je suis partie à toutes jambes à l’étage supérieur pour bouder, Prince ne m’a pas courue après. Il ne m’a pas implorée de rester auprès de lui pour l’illuminer de mon sourire ravageur. Pis, il est retourné tranquillement dans sa chambre en attendant que j’aie fini mon caprice, sûr que je reviendrai, la queue entre les jambes.

Non seulement il avait raison, mais à mon retour, il ronflait bruyamment, allongé tout habillé sur son lit (vision sexy s’il en est).

Ce matin, trois possibilités s’offrent donc à moi :
1. Mettre mon comportement sur le compte de l’alcool et ignorer royalement Prince. Il n’avait qu’à me courir après quand je suis partie bouder, na.
2. La prochaine fois que je le croise, lui lâcher un petit sourire gêné, genre « c’était sympa, mais j’ai une réputation à préserver, moi »
3. Assumer pleinement, et proposer à Prince de tirer le meilleur parti des cent heures qui nous restent à passer dans la même ville. Sans penser au lendemain, hein ; je suis peut-être une fille, mais je sais me tenir.

Sans surprise, je privilégie la troisième solution, qui me semble présenter le plus de risques. J’entrouvre donc – le plus discrètement possible – ma porte dans l’espoir de guetter le lever du futur Roi-soleil. A 15 heures, le voici qui émerge péniblement de sa chambre. Le dortoir étant petit, je repère aussitôt sa mine défraichie et, plus enjouée que jamais, lui propose d’aller boire un café pour se remettre des excès de la veille.

La, je lis pour la première fois dans les yeux de Prince un sentiment que j’y retrouverai maintes et maintes fois tout au long de notre relation : la panique à l’état pur. Son regard de biche prise dans les phares de voiture (ou de Roi marchant vers la guillotine, au choix) n’augure rien de bon.

Mais je ne m’appelle pas Bulldozer pour rien. A l’attaque.

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Comment rencontrer le Prince charmant (2)

Juchée sur la seule paire de talons que j’ai emportée à Varsovie, me voilà dans la queue d’une boîte de nuit branchée. A mes côtés, mon « invité » Guillaume grelotte – il faut dire qu’il fait -12 degrés dehors, et encore, nous ne sommes qu’au début de la nuit.

La vodka s’impose donc comme le meilleur moyen de se réchauffer rapidement.

Fidèle à mon mot d’ordre, je m’amuse. Je me laisse offrir des shots de vodka (au prix qu’ils coûtent ici, cela n’engage a rien), je danse avec mes chers camarades d’échange, et l’alcool aidant, je ris à gorge déployée à des blagues moyennement drôles énoncées dans un anglais toujours approximatif malgré trois mois d’immersion. C’est bien gentil, tout ça, mais dans un coin de ma tête me trotte une idée démoniaque. Et le mignon petit Hongrois que ma colocataire a passé des semaines à reluquer sans succès, si j’arrivais à lui faire décrocher un mot ? Voire plus si affinités ?

Place à Bulldozer (bull-lover ?).

Première étape : débarrasser le terrain de tout obstacle. Autrement dit, semer Guillaume pour avoir le champ libre.

Deuxième étape : rechercher la cible. Je me mets en quête du Prince Charmant – ne sachant pas encore, à cette époque-là, qu’il avait quelques défauts, faisant de lui un Prince Charmant Presque Parfait.

Troisième étape : approfondir sa connaissance du terrain. Après avoir écumé et soigneusement testé les bars des trois étages de la boîte de nuit, je suis catégorique : Prince est introuvable. Il ne reste sur le « marché » que  du Suédois et de l’Italien peu appétissant, entre lesquels je slalome, un peu découragée.

Quatrième étape : lorsque la manière forte échoue, laisser le  destin me filer un coup de main. Au hasard d’un escalier, LE voici. Le moment est idéal, magique : l’homme est suffisamment éméché pour engager la conversation, mais il tient encore debout. Mon regard malicieux doit lui mettre la puce à l’oreille, car lui qui n’a semblé voir aucune fille en trois mois de soirées arrosées, le voici qui me sort le grand jeu.

[Passage censuré par Prince, à mon grand regret]

Vingt-cinq minutes plus tard, l’affaire est dans le sac – ou plutôt, je suis tombée sous le charme de Prince, oubliant allègrement que nous quittons Varsovie dans cinq jours. Soit une centaine d’heures qui va être riche en découvertes de la gent masculine, et plus spécifiquement de la gent princière.

Comment rencontrer le Prince charmant (1)

 Il a vraiment fallu que Prince me fasse miroiter le prestige de la couronne pour que j’accepte de m’embarquer dans une relation à distance avec lui Sauf que ça ne s’est pas passé tout à fait comme ça…

Doux euphémisme : le mythe de ma rencontre avec Prince et de la poursuite effrénée qui s’est ensuivie m’a valu le surnom flatteur de « bulldozer » – surnom qui me colle depuis inexplicablement à la peau. Tout ça pour dire que je n’ai pas vraiment fait dans la finesse.

Reprenons : tout commence en échange universitaire Erasmus à Varsovie, en Pologne, il y a huit ans. Une trentaine de jeunes occupe le premier étage d’un bâtiment grisâtre rescapé du communisme, à proximité de la fac d’économie où nous passons entre zéro et douze heures par semaine, selon le niveau de motivation. Car nous n’avons pas tous les mêmes raisons d’être là :

– Officiellement, je suis là pour mieux connaître mes origines (je suis moitié française, moitié polonaise), passer du temps avec ma famille, et améliorer mon polonais. Officieusement, je suis là pour soigner mon petit cœur brisé par un faux Prince (je suis moitié déprimée, moitié surexcitée d’être célibataire), passer du temps avec des inconnus (pardon, d’autres jeunes européens) et m’améliorer en shots de vodka bon marché.

– Prince, ayant misérablement planté les entretiens de sélection, a obtenu son cinquième choix : Varsovie. En inscrivant ce nom en-dessous de Copenhague, Bologne, Barcelone et Berlin, il se disait probablement que ça ne l’engageait pas à grand-chose. Pas de bol.

– Le reste de nos petits camarades d’échange sont, dans leur grande majorité, plus intéressés par les boîtes de nuits, les Polonaises (la première phase qu’ils apprennent en polonais est « T’as de beaux yeux, tu sais ». En VO, le ridicule ne tue pas) et la fameuse vodka bon marché, que par la découverte du pays qui les accueille.

Autant dire que ces cinq mois d’échange ne se présentent pas sous les meilleurs auspices. A la Toussaint, nous en avons le cœur net : trois mois de nuits qui tombent à 14h45, cela suffira amplement. Nous demandons – et obtenons – de ne pas revenir après les vacances de Noël. D’ici là, il s’agit donc d’en profiter le plus possible de la richesse du pays et de l’ouverture culturelle que nous offre un échange universitaire européen.

Pour moi, cela signifie accumuler des centaines de parties de Démineur, avachie sur mon lit. En effet, après la frénésie des débuts (Tous ces spécimens masculins ! Autant de Princes potentiels !), j’ai rapidement déchanté. Je passe maintenant le plus clair de mon temps enfermée dans ma chambre, à l’écart du grand raout multi-culturel.

C’est pourquoi, lorsque Guillaume, un ami d’amie, m’annonce qu’il débarque pour quatre jours de son propre échange à Copenhague, je suis quelque peu prise de court : tiraillée entre l’asociabilité dans laquelle je me complais, et la crainte de passer pour une ermite finie.

Bon an, mal an, j’accueille mon « invité » avec le sourire. Mais, très vite, mes pires soupçons se confirment : Guillaume n’aime pas jouer au Démineur toute la journée dans la chambre. Guillaume aime sortir, parler aux gens et faire la fête. Rapidement épuisée par tant de dynamisme et d’ouverture aux autres, je consens néanmoins à faire un effort pour LA toute dernière soirée de notre échange (j’en entends qui murmurent, au fond « la soirée de la dernière chance »). Quand Guillaume s’exclame d’un ton décidé, mais qui ne masque pas complètement son inquiétude :

– Une soirée ? Génial ! On y va, hein ?

je ne peux que répondre du tac au tac, petit sourire en coin :

– Bon, ben tant qu’à sortir, je vais m’amuser un peu…

 C’est ce soir-là que Prince a croisé la route d’un bulldozer.